Le Crazy Horse

Le Crazy Horse est légendaire sur la scène internationale des cabarets de nu.
Cette institution parisienne se classe parmi les trois ou quatre spectacles de
nu féminin les plus célèbres de la planète. Son image s’est construite dans la
durée, fondée sur la beauté du corps des danseuses autant que sur la qualité
des spectacles proposés, et la capacité du Crazy à se réinventer en
permanence, pour rester au top, par-delà les époques et les modes. Les
nouvelles revues, les stars invitées autant que le parterre de personnalités
de premier rang… présentes dans la pénombre, ont contribué à cette légende.
Disons-le dès maintenant : le Crazy Horse est une institution extrêmement
exigeante, faisant de l’excellence son pré-requis, et de performances hors
normes son quotidien. Des ouvrages ont été consacrés au Crazy Horse, livres
tour à tour documentaires, historiques ou promotionnels, mettant par de belles
photos le corps des danseuses en valeur, autant que la petite scène mythique,
et plus largement, la marque « Crazy ». Mais aucune étude sociologique n’a été
consacrée au cabaret. Le Crazy Horse est célèbre mais reste méconnu. C’est
précisément l’ambition de cet ouvrage que de mettre au jour les ressorts
imaginaires, symboliques et rituels du Crazy Horse, avec une méthodologie qui
tendra autant de l’insider que d’une enquête au long cours, administrant des
questionnaires et des entretiens avec les danseuses actuelles ou passées, se
fondant sur de l’observation in situ de ce terrain unique pour le regard
sociologique. Plus largement, c’est aussi l’histoire du Crazy qui sera
racontée dans cet ouvrage, avec des témoignages de ses figures de légende, de
ses fondateurs, et de précieux et inédits Verbatim. L’analyse va être fondée
sur la microsociologie et la métaphore théâtrale du sociologue canadien Erving
Goffman. Et on va voir qu’elle sera particulièrement pertinente, pour lire
cette institution de légende. Deux idées fortes structureront cet ouvrage : la
« coulisse » d’abord, ou cet espace opaque, à l’abri des regards non
autorisés, et non-initiés. Et puis la « scène » ensuite, avec l’hyper-
visibilité de ce qui fait la légende du Crazy : son spectacle, ses danseuses
nues, figures mythiques parées de lumière. La coulisse rappelle que le Crazy
est d’abord une « institution totale », avec des règles strictes de
communication et d’organisation générale. Le Crazy, étonnant « gynécée » où
les hommes ne sont pas les bienvenus, et pour cause : ils sont interdits ou
juste tolérés, réduits au silence, dans l’impossibilité de s’adresser aux
danseuses… Cette articulation entre coulisse et scène est particulièrement
pertinente pour lire le Crazy Horse de Paris. Mais en parallèle, nous allons
suivre le parcours des danseuses de cabaret. La notion de « rite » s’avère
tout aussi opératoire. Car une carrière au Crazy Horse, finalement c’est un
ensemble de rites : rite de passage, rite d’intégration, rite de séparation.
Tout est rituel dans cette célèbre institution, institution d’ailleurs «
totale » au sens le plus sociologique du terme. Cette dimension sera
développée au fil du propos, et notamment en évoquant les règles de
fonctionnement de l’institution. « Institution totale », le Crazy a d’ailleurs
été créé par Alain Bernardin, une personnalité hors du commun, au pouvoir
véritablement charismatique, pour référer cette fois-ci à Max Weber. Entrer au
Crazy Horse et y faire carrière, c’est se soumettre à une série de rites. Le
rite de la candidature dans un premier temps ; puis l’audition publique, de
même l’intégration ensuite (la sélection est sévère et la porte étroite) à la
troupe des danseuses, puis le rite de la première scène, l’attribution du nom
de scène le soir du tout premier show (le sésame pour la plupart des
danseuses), voire du numéro solo. Enfin, en fin de carrière, la dernière fois,
avec les symboles entourant ce moment émouvant. On le voit, la grille rituelle
offre une lecture fine du parcours des « filles », les Crazy girls, ces
amazones des temps modernes avec ses moments forts, ses moments clés, toujours
empreints de symboles et d’émotion. Cet ouvrage propose un regard et une
vision jamais portés sur le Crazy. L’autrice offre une lecture décalée,
originale et exigeante de cette institution. Fourmillant de témoignages,
d’anecdotes, de citations, cet ouvrage permettra à ses lecteurs de lever le
voile (ou le rideau) sur un aspect inconnu du Crazy, et plus largement, de
l’univers du nu féminin. Kathleen Tamisier, titulaire d’un Doctorat en
sociologie, autrice d’ouvrages de référence sur des thématiques d’actualité
(les enfants surdoués, la famille), est une ancienne danseuse. Elle a été
championne de France de danses latines. Elle connaît le Crazy Horse depuis le
début des années 1990, date à laquelle elle auditionne devant Alain Bernardin,
le fondateur et l’âme du cabaret. Cette double compétence d’autrice/sociologue
et « d’insider du Crazy » fait d’elle la femme idéale pour lever le voile sur
ce cabaret de légende, et nous emmener à sa suite dans la coulisse, autant que
sur la scène du « temple parisien du nu ».