Le sang visible du vitrier

James Noël

Vents d'ailleurs

  • Conseillé par
    12 octobre 2010

    Une poésie à découvrir

    Il est toujours délicat de parler de poésie, tellement cette lecture reste une sensation et une émotion personnelles plus qu’un avis de lecteur.

    « Nous ne sommes pas de cette rue
    ne sommes pas de ce village
    sommes pas de ce pays
    pas de ce monde »

    Dans les mots de James Noël tout se reflète et se fait écho, résonnent les blessures de son île, chante la sensuelle mélopée de l’amour.

    Des textes en forme libre, empreints d’une force magistrale, nous emportant sur les hauts des vagues, puis dans l’apaisement de la passion, nous échouons comme enivrés d’un chant venu d’une culture colorée, chaude et sonore.

    La spirale poétique tour à tour nous interroge et nous surprend agréablement, dans cette envie de lire à haute voix ces poèmes pour mieux entendre l’écho de l’auteur.

    Tout à l’image du vitrier, il joue avec la fragilité et la transparence des mots pour mieux nous offrir la pureté et la clarté d’un instant poétique brodé sur la frange d’une mélodieuse sensibilité.

    La brisure se ressent, le tranchant du verre nous effleure, et pointe alors la blessure profonde jaillissant au cœur du texte. Le sang coule dans les ravines d’un vécu, dans l’extrême douceur, l’auteur fait part d’un talent sans pareil à nous partager une certaine impuissance à nous épargner cette écorchure à vif, il y jette des vérités mais avec la délicatesse du poète en exergue : les rues/ces piétons de ma vie/que me circulent de travers/pierres et poussières m’ont lapidé/statue de sel en poudre fine/je suis le corps mort sur l’asphalte/ce fantasme de ma terre rebelle/ma terre de sang/dru maquillage/qui fait la une aux abattoirs.

    sur l’autre face de la vitre se mire la chaleur humaine, le chant sensuel de la passion, l’appel de l’amour dans un rêve sans fin : Le soleil que m’inventent tes seins/m’éclaire en pays de rêve d’allumettes/souffre qu’à la lune je colle une aile/pour maintenir juste équilibre/et que je pose une lampe/ chaude confidence/dans un fond caché de la mer.

    Il se livre à nu, sans pudeur ni honte, transparence d’une envie de crier au monde entier ce besoin de partager ses maux : Mes maux je vous les livres/jetez les livres puisqu’il ne s’agit pas d’écorce d’encre/ni de sèves bleues de poète d’îles/écartelées/mes maux/je vous les livre/prenez-les au vol/nus/comme des oiseaux sans plume/pour signer un temps/à tire-d’ailes/la lune a froid aux yeux/voilà que je vous parle sans maudire/la tempête cérébrale qui pense la mort/sous le vent/les tremblements de terre/sommant cette terre de ne pas trembler/sous la foulée des ombres folles/voilà que je vous parle/sans maudire/ ma terre sur pilotis/avec du sang dans son parterre/terre ligotée.

    C’est une poésie bouillonnante et franche, de coeur, de sang et de chair, de douleur et fatalité, d’amour et de passion, de blessures et de larmes, une poésie qui nous chavire et nous bouscule, nous étreint dans les bras d’un amer constat, nous sourit pourtant et nous caresse plus encore, un poète à la plume acérée glissant sur les courbes ondulantes de la vie. Un véritable chant qui se poursuit dans notre souvenir, un petit recueil à ouvrir souvent, à partager, à lire, à chanter.