Flaubert est un blaireau

Alain Chopin

Éditions Dialogues

  • Conseillé par
    4 décembre 2011

    L'école est finie....*

    Auteur né comme moi dans les Côtes d'Armor (du Nord à l'époque), professeur de français dans des lycées professionnels dans le nord (de la France et non pas de la Bretagne), il nous narre par petites touches ses expériences professionnelles.
    Ce récit commence par une préface d'Hervé Hamon dont je sors cette phrase :
    - Et c’est ce qu’il nous offre, au fil de portraits, de courtes scènes – le best of d’une carrière.
    La vie d'un prof en lycées professionnels, sûrement pas meilleure, ni pire que les autres !
    Des élèves ici comme ailleurs, avec leurs doutes ! Souvent habillé de la même manière, il est difficile de ne pas se fondre dans la masse. Contre cet état de fait, l'arrivée en retard en cours semble être une des solutions ; Samir et Nadia ont choisi cette manière de faire ! Un petit moment de gloire éphémère ! Ont-ils conscience en agissant de la sorte de manquer du plus élémentaire respect vis-à-vis de tous les autres membres de la classe! Il semble que ce laissez-aller soit admis par tous , professeur inclus!


    Le théâtre révélateur de talents insoupçonnés, où même les maladresses ont de la classe....Par contre parfois la classe ou même la moindre bienséance manque, aussi bien du côté de la stagiaire que chez les élèves....
    Un cours de « nanalogie » n'est pas une sorte de travaux pratiques réservés uniquement aux filles, la question rituelle du lundi matin « Avez-vous passé un bon Week-end ? ».
    Quelques séances de cinéma avec l'humour potache qui va avec : Jérémy seul garçon dans la salle, sur l'écran « Les liaisons dangereuses » ! L'art et la manière de se faire charrier tout un après-midi !
    Des personnages en veux-tu en voilà.....des jeunes bien sûr et souvent ce besoin de se faire remarquer peut-être pour paraître exister ! Nadège et ses incessantes questions, Adeline et Cyndi qui avaient toujours une conversation sur le feu, Thierry et son rat, blanc et éduqué soit, mais rat malgré tout, alors la prof d'espagnol n'appréciait pas !On fait aussi la connaissance d’Alison qui malgré son prénom est nulle en anglais (et cela ne la dérange pas du tout) mais bonne en flirt, nouvelle discipline scolaire ? Autres temps, autre mœurs, nous étions il y a très longtemps nuls dans les deux matières, mais on progressait plus vite dans la seconde....Alison aussi....Giloura comme l'auteur le dit si bien, le baromètre de son attitude donne le degré d’intérêt qu'elle accorde au cours ! Siham et son don pour la lecture, pour Sarah c'est le dessin malgré une blessure ancienne, un fan de foot qui parle de haine pour les voisins du 62, oubliant que sur le terrain peut-être qu'aucun joueur ne vient du Pas-de-Calais ! De très beaux portraits : celui d'Hafida, de Myriam, la visite d'un écrivain, une bière du nord, la montre d'un élève.....ces toutes petites choses qui donne à la vie un parfum de fête.... La fête pour Kevin ce n'est malheureusement pas souvent le cas...ni pour Éléonore le jeune stagiaire avec la classe des électriciens ! A Paris, l’absence des uns fait le bonheur de certaines gourmandes aux ventres vides !
    Parfois quand c'est possible l'auteur nous donne des nouvelles de ses anciens élèves au gré de leurs rencontres.
    L'écriture mélange allégrement un certain classicisme, c'est le professeur qui écrit, mêlé à un style plus jeune et plus débridé, employé par les élèves.
    Et la littérature dans tout cela, me direz-vous ! Ils aiment Ubu, son côté novateur et son langage un peu ordurier, Shakespeare, pourquoi pas ?
    Je me pose malgré tout la question, le monde a énormément changé en 50 ans. Nous n'avions pas, notre génération, tous les moyens mis à la disposition des élèves de maintenant, pas de calculatrices, mais nous étions capables de faire plusieurs opérations de tête ! Nous pouvions en moyenne situer Brest et Strasbourg sur une carte...certes tout n'était pas rose, mais il me semble qu'avec un certificat d'étude, nous savions plus de choses de culture générale que certains bacheliers de maintenant !
    A noter une très intéressante postface écrite par l'auteur.
    *Chanson de Sheila ou constat de décès de l'école d’antan?


  • Conseillé par
    9 août 2010

    Une pédagogie buissonnière...

    Coïncidence amusante, l'auteur est des Côtes d'Armor et a effectué sa scolarité au collège Saint-Joseph de Lannion, ville où je "sévis" en tant que professeur. Le livre-témoignage d'Alain Chopin m'a intéressée à plus d'un titre. Il évoque en de très courts chapitres les élèves qui l'ont marqué pendant sa carrière. Ces portraits, juste esquissés, nous font parfois sourire, parfois rire, parfois rire jaune quand l'enseignant ne parvient pas à nouer de relations avec un adolescent et se trouve dans une impasse qui se solde souvent par une sanction, voire un renvoi.

    Alain Chopin a enseigné en lycée professionnel dans le Nord de la France mais les élèves qu'il décrit ressemblent beaucoup à nos collégiens en classe de Troisième. L'homme a visiblement toujours eu à coeur de considérer les adolescents comme des individus à part entière et pas seulement des "apprenants" pour employer le vocabulaire technique des IUFM.

    Il a su se défaire des cours carcans préparés minutieusement avant d'aller affronter une classe : un texte bardé de commentaires, de questionnaires et une parole confisquée par le "maître", ce qui permet d'éviter toute remarque intempestive de la part des éléments jugés perturbateurs. Il prend le risque de laisser parler les élèves face aux oeuvres, il met en place un dispositif souple pour que leurs interventions prennent place dans l'heure de cours, voire fassent avancer le cours.

    Depuis quelques années, c'est aussi la démarche qui est la mienne mais elle suppose du répondant, de l'expérience et d'être capable de récupérer une classe qui, pardonnez l'expression, part en vrille. Elle suppose un amour de sa matière, un sens du contact, une volonté permanente d'innover et tous les enseignants ne sont pas prêts, n'osent pas tenter cette approche. Quelqu'uns pensent même qu'elle n'est pas appropriée et ne correspond pas à l'essence de notre métier. Je ne leur jetterai pas la pierre, chacun fait avec sa personnalité. Ce métier est devenu trop difficile pour porter des jugements péromptoires sur la manière d'enseigner des collègues.

    La posface démarre par cette phrase " C'est une rencontre... Avec de jeunes garçons et filles." Je suis d'accord, chaque rentrée est placée sous le signe de la nouveauté et il faut qu'il y ait vraiment rencontre, c'est à dire des liens qui se créent pour que naisse la possibilité de travailler ensemble ou comme Alain Chopin le dit très bien : "privilégier plutôt la relation, l'échange, favoriser l'émergence du sens, en direct, dans le cadre de la classe, penser ensemble, le professeur et ses élèves, pour que la curiosité des uns et des autres puisse se manifester, pour que l'ennui dont souffrent tant de nos élèves s'efface un peu, au profit du plaisir de chercher, de trouver avec les autres, de se découvrir intelligents ensemble."

    Se découvrir intelligents ensemble, c'est beau non ?


  • Conseillé par
    25 juillet 2010

    "Flaubert est un blaireau" ! En voilà un titre ! En lisant cela on s’attend à un essai polémique, voire subversif sur l’enseignement des Lettres, hélas on en est loin...

    Alain Chopin parvient à éviter le manichéisme en livrant une série de portraits d’élèves où transparaît sa passion pour son métier. Enfin un professeur heureux d’enseigner et séduit par ses élèves ! Ça fait du bien ! Mais, s’il sait rester à l’écart pour mettre en avant ses élèves, l’auteur, du même coup, s’efface derrière eux. En effet, on aime lire des portraits d’élèves charmants, drôles ou émouvants, mais on ne peut s’empêcher de se demander quel est le but de ces 180 pages. Rares sont les portraits qui sont suivis d’une analyse. L’auteur livre ses expériences et parfois relate des situations problématiques, sans en livrer les conclusions ou les pistes d’analyses. C’est au lecteur de deviner ce qu’il aurait fait lui, ce qu’il serait possible de faire, si, comme ceux de l’auteur, ses élèves s’étaient échappés d’une pièce de théâtre pour aller boire un verre au café par exemple.

    C’est le point négatif de cet ouvrage. Il faut attendre la postface de l’auteur pour avoir quelques idées de sa pédagogie et de sa façon de voir les choses. Il faut avouer que la lecture brute d’une cinquantaine de portraits d’élèves finit par lasser.

    Flaubert est un blaireau est donc moins prometteur que ce qu’on pouvait imaginer. Il est vrai que l’exercice se révèle difficile mais le seul qui, à mes yeux parvient à s’en sortir magistralement, reste Comme un roman et ses "Droits imprescriptibles du lecteur" de Daniel Pennac (que je recommande à ceux qui ne l’auraient pas lu).


  • Conseillé par
    24 juin 2010

    Un ancien professeur de français en lycée professionnel, et en retraite, raconte de petites anecdotes sur ses élèves.

    Mon avis :

    j'ai regretté que ces petits séquences de vie lycéenne ne soient pas suivis d'une réflexion, mais se terminent seulement par : un tel a eu son bac, une telle est maintenant secrétaire, etc.

    En tout cas, un titre accrocheur qui va faire monter mes audiences....


  • Conseillé par (Libraire)
    20 mai 2010

    L'humanité de Chopin, son regard tendre sur la jeunesse qui pousse comme mauvaise herbe et qu'il aide à fleurir, son amour d'un métier si difficile que d'aucuns méprisent, parfois même quand c'est le leur, et l'hommage à la belle littérature qui chemine même sur les sentiers les plus rocailleux, etc.


  • Conseillé par
    12 mai 2010

    Le professeur qui enseigne dans ce lycée professionnel est un homme parfois surpris, souvent ému, toujours encourageant. Au fil de son récit segmenté en courts tableaux, il n'est jamais question de classes, de groupes, seulement d'individus. Ses élèves. Il y a Sandra et son "allure sauvage", murée dans son silence, Myriam et sa lecture lumineuse devant toute la classe, Hafida qui "porte en elle une force qui la traverse et qu'elle assume"...
    Des élèves uniques pour les différences, leurs talents, la pépite qu'ils cachent. Des récits qui arrachent tant de sourires, du plus tendre au plus triste...