En censurant un roman d'amour iranien

Shahriar Mandanipour

Seuil

  • Conseillé par
    27 mars 2011

    Comment parler de ce roman foisonnant, qui part un peu dans tous les sens, musarde en chemin sans jamais lasser son lecteur ?

    Démarrons par le plus simple, le narrateur qui ressemble fort à l'auteur entreprend d'écrire un roman d'amour. Problème, nous sommes en Iran où les hommes et les femmes ne sont pas supposés établir le moindre contact avant le mariage, arrangé bien sûr par les familles. Notre écrivain va tenter de contourner cette difficulté et ces deux tourtereaux imaginaires jouent au chat et à la souris avec les patrouilles qui arpentent Téhéran, à l'affût du moindre rapprochement stratégique entre jeunes gens !

    La trame du roman est originale, le roman d'amour s'écrit sous nos yeux, souvent coupé par des remarques de l'auteur sur ce qu'il vient de rédiger ou de censurer. Le texte qu'il supprime est barré mais encore nettement lisible. Dans un pays où tout geste est suspect, chaque mot doit être pesé ! Deux personnages de sexe opposé, qu'aucun lien familial n'unit, ne peuvent se tenir seuls dans une pièce. Imaginez quelles folles pensées pourraient traverser leur esprit ?

    J'ai trouvé à la fois savoureux et dramatique le dialogue permanent que l'auteur entretient avec la personne chargée de la censure des oeuvres littéraires. Ce redoutable M.Petrovitch voit le mal partout et poursuit l'écrivain de sa paire de ciseaux "castratrices". Pas de seins, de cuisses ! Mais pas non plus de de cheveux, de lèvres, de joues roses ou de regards enfiévrés ! Encore moins de dialogues tendres ! Les amoureux sont censés échanger de plates paroles sous la férule des parents de la jeune fille.

    Le roman d'amour avance, les digressions se multiplient et c'est l'histoire de l'auteur et de l'Iran qui nous est narrée. Shahriar Mandanipour aime son pays, son passé glorieux et ses poètes anciens. Il ne peut que rire à défaut de pleurer de ce qu'est devenue sa patrie. Peu à peu aussi, tout s'interpénètre, la fiction et la réalité n'ont plus de frontières nettes et l'odieux M.Petrovitch tombe même sous le charme de l'héroïne du roman d'amour, Sara !

    J'ai beaucoup aimé ce roman, critique assez féroce du régime iranien. L'auteur a choisi de nous embarquer dans une histoire un peu folle, pleine d'humour et de fantaisie qui dénonce par le rire l'absurdité de la situation actuelle en Iran.