La Ligne de nage

Julie Otsuka

Gallimard

  • Conseillé par (Libraire)
    15 septembre 2022

    Conseillé par Stéphanie et Coralie

    Quelle lecture troublante !
    Tout commence dans une communauté d'accros à la nage qui se croisent quotidiennement, ou presque, dans une piscine située "en bas", par opposition au monde du haut qu'il faut bien retrouver puisqu' un mari, un boulot ou des amis sont des réalités qu'on ne peut oublier qu'un temps. En utilisant le pronom "nous", Julie Otsuka positionne d'emblée le lecteur comme acteur, lequel aura beau résister, il finira bien par céder et se mettre à nager dans sa ligne lui aussi.
    Alors qu'une fissure perturbe cette communauté de nageurs, alors que le lecteur a fait connaissance avec le coach Vlad mais aussi Vincent (l'ancien dealer), Alice (qui oublie tout), Michael (l'aquajogger), Rick (trésorier du Rotary Club) et bien d'autres encore, voilà que Julie Otsuka passe à la troisième personne du singulier (elle).
    "Elle se rappelle son nom. Elle se rappelle le nom du président. Elle se rappelle le nom du chien du président (...) Elle a oublié ce qu'elle a mangé hier soir au dîner, et qu'elle a pris ses médicaments la dernière fois."
    On comprend alors que la nageuse Alice (qui oublie tout) est la mère de la narratrice qui change à nouveau de pronom (deuxième personne du pluriel) pour nous faire visiter Belavista, cet établissement qui va accueillir Alice.
    Le lecteur referme ce roman conscient qu'il vient de lire un objet non-identifié qui s'est installé très discrètement au fond de ses tripes. On est obligé de se remémorer cette grande comédie humaine du début du roman pour s'apercevoir que quelque chose est venu nous percuter au cours de la lecture. Ce texte est d'une structure narrative bien plus travaillée qu'il n'y paraît, il est à la fois drôle, triste et amer, d'une lucidité et d'une justesse qui ne peut laisser indifférent.


  • Conseillé par
    7 janvier 2023

    Une piscine a priori en sous-sol où des habitués se partagent les lignes de nage.
    Ce sont des nageurs obsessionnels.
    En deuxième partie, le vieillissement d'Alice, l'une des nageuses qui bascule doucement dans une sorte d’Alzheimer.
    Très étrange cette description de la piscine, des nageurs et de la mystérieuse fissure au fond du bassin.
    Je me demandais ce que j'étais en train de lire.
    L'histoire d'Alice est plus concrète.
    L'altération de sa mémoire est sa fissure à elle.
    Elle devra rester dans sa ligne de nage dans l'établissement où elle est admise.
    L'écriture est tournante, nous emmène de l'un à l'autre.
    C'est un enchaînement hypnotisant.
    On reconnaît bien le style de « Certaines n'avaient jamais lu la mer »
    Un roman donc très particulier dont je ne saurais dire si je l'ai beaucoup aimé mais qui en tout cas ne m'a pas laissée indifférente.
    Il me donne l'impression d'être autobiographique, mais je me trompe peut-être.


  • Conseillé par
    6 septembre 2022

    Nager et oublier

    Alice, nageuse habituelle dans une vaste piscine sous terre, y croise d’autres habitués et leurs routines.
    Dans un premier temps, l’auteur détaille ce chassé-croisé, décortiquant les comportements et les états d’âmes des nageurs. Puis, l’apparition d’une fissure bouleverse les fréquentations déclenchant multiples théories et suggestions…Les visiteurs s’approprient la fissure.

    Puis, la fissure ouvre une brèche dans la mémoire d’Alice qui perd peu à peu ses repères, l’amnésie s’installant irrémédiablement, ne libérant que quelques souvenirs de guerre, d’enfant perdu, d’amour…sa relation aux autres s’étiole…

    Malgré une écriture éloquente et de qualité, la lecture peut sembler expérimentale car cocasse et hétéroclite.

    « En allant à la piscine, la plupart du temps, nous laissons nos problèmes là-haut, sur terre
    « A mesure que les jours passeront vous oublierez de plus en plus. Votre terrible enfance pendant la guerre. Les magnifiques jardins de Kyoto. L’odeur de la pluie en avril. Ce que vous venez de manger pour votre petit déjeuner »


  • 26 août 2022

    L'effacement progressif

    Il y a les nageuses et les nageurs venus dans cette piscine « d'en bas » pour faire des longueurs, fuir quelque chose ou trouver une quiétude qui n'existe que là. Il y a Alice, la mère de la narratrice, qui vient là depuis toujours alors qu'elle oublie peu à peu le reste. Alice, qui s'enfonce dans la maladie et qui doit être placée bientôt. Il y a l'institution qui fait de son mieux mais qui n'est pas un foyer. Il y a quelques souvenirs qu'on tente d'arracher à l'oubli, quelques moments à vivre encore. Il y a l'effacement progressif de ce qui a été et de ce que l'on est. La ligne de nage est un roman percutant et bouleversant. Julie Otsuka a su trouver le ton et le rythme pour raconter la maladie d'une mère. Un grand coup de cœur de cette rentrée !


  • 25 août 2022

    L’écriture de ce roman est puissante

    Alice fait partie d’un groupe de nageuses et nageurs passionnés qui se retrouvent dans « leur piscine couverte ». Alice a la mémoire déclinante, tente donc de se rassurer par la natation. Malheur, la piscine, en piteux état va fermer. Alive va sombrer, jusqu’à l’inéluctable… l’écriture de ce roman est puissante, les voix de ces Japonaises qui ont quitté leur pays au début du xx° siècle pour épouser un américain sont multiples. Viendra le temps des déceptions, l’humiliation faite par les blancs et le rejet par leurs propres enfants du passé de leurs mères sera l’ultime déception endurée par ces femmes.