10 jours dans un asile

Nellie Bly

Editions du Sous-Sol

  • Conseillé par
    7 avril 2016

    Un petit livre pour une grande dame

    Nelly Bly est le pseudonyme d'Elizabeth Jane Cochrane, journaliste dont la vie pourrait presque faire l'objet d'un roman tant elle fut dense et aventureuse. Née en 1864 en Pennsylvanie, cette jeune fille de bonne famille n'est absolument pas destinée à la carrière qu'elle va choisir d'embrasser. Elle sera journaliste, pas la "préposée" aux courriers du cœur mais une enquêtrice, infiltrée dans les milieux qu'elle veut observer. La Florence Aubenas du 19ème siècle !

    Dans ce livre, paru aux éditions du sous-sol, se trouvent réunis trois de ces reportages, dont le plus marquant : son "immersion" dans l'asile de New-York, le Blackwell's Island. Nelly Bly n'a que 23 ans en 1887 quand elle est engagée au journal New World dont le rédacteur en chef est Joseph Pulitzer. Il lui demande quasi l'impossible, se faire interner à Blackwell pour pouvoir dénoncer de l'intérieur les conditions de vie des malades. Elle relève le défi, s'installe dans une pension pour travailleuses sous le nom de Nelly Brown et rentre dans son personnage de folle. La facilité avec laquelle elle se retrouve à l'asile montre d'emblée le peu de sérieux et de compétences des médecins successifs qui vont l'examiner.

    Sur place, arrivée sur l'île en même temps que d'autres femmes, pour certaines pas plus folles qu'elles, Nelly Bly ne peut que constater que l'asile ressemble plus à une prison qu'à un hôpital. Certaines infirmières ont mis en place un système parallèle où les patientes les plus "raisonnables" les déchargent de leurs tâches, où les brimades, les humiliations, les violences gratuites sont légion. Les médecins jouent les autruches pour dissimuler leur impuissance ou tout simplement par désintérêt pour ces femmes à l'esprit dérangé.

    La jeune journaliste reste 10 jours sur l'île, dix jours qui vont marquer la naissance du reportage infiltré féminin. Le livre est découpé en 17 chapitres qui sont, je pense, les 17 articles parus dans le World. La langue n'est pas celle du journalisme contemporain. Le style, bien évidemment, est le reflet de l'époque, plus châtié, moins technique qu'aujourd'hui et c'est extrêmement intéressant à découvrir.

    A la suite de ce reportage, le lecteur en trouve deux autres, plus succincts. Dans le premier, Nelly se fait passer pour une bonne afin de découvrir le monde des bureaux de placement. Dans le deuxième, elle travaille comme ouvrière dans une fabrique de boîtes et dénonce les cadences infernales et les salaires dérisoires.

    Cette lecture m'a donné envie de découvrir davantage cette femme et je vous conseille d'en faire autant. Vous apprendrez, entre autre,qu'elle a réalisé le tour du monde en 72 jours et que cet exploit a été salué par Jules Verne lui-même.Les éditions du sous-sol feront bientôt paraître le récit qu'elle en a tiré...

    Un petit livre pour une grande dame !



  • Conseillé par
    29 novembre 2015

    Chez les folles

    Sur la couverture, Nellie Bly, au doux visage de jeune fille de bonne famille, nous fixe de ses yeux grands ouverts. Cette journaliste américaine commence sa carrière à Pittsburgh avec une spécialité, la condition féminine ouvrière. Mais ses articles faisant un peu trop de bruit, on la relègue à la rubrique « Spectacles ». Alors, en 1887, elle tente sa chance au _New York World_, le journal du célèbre Joseph Pulitzer, qui l’engage à une condition : un reportage sur l’asile d’aliénées situé au cœur de la ville. A 23 ans, Nellie Bly relève le défi.

    Pour mener à bien sa mission, ses connaissances sur le théâtre vont lui être utiles, puisqu’elle doit d’abord se faire passer pour folle afin de se faire interner. Tout va étonnamment très vite : en vingt-quatre heures, elle réussit à persuader la propriétaire d’une modeste pension de famille de sa démence et à passer devant un juge et un médecin qui la déclarent bonne pour l’asile ; le lendemain, elle prend un bateau pour Blackwell, une île de l’East River. Là, nul besoin de simuler, mais paradoxalement, plus elle se montre sensée, plus elle est convaincue de folie ! Patiente parmi les autres, Nellie Bly vit, observe et dénonce l’incompétence des médecins, les mauvais traitements, l’hygiène déplorable, le froid, la nourriture avariée, le danger pour des patientes prisonnières d’une véritable « souricière à taille humaine ». Mais la journaliste ne se contente pas d’un exposé distant, car elle subit les mêmes humiliations que ses compagnes d’infortune, regroupées du matin au soir dans une grande salle sous la surveillance d’infirmières sadiques, sans activité, abandonnées à leurs sombres pensées. Nellie Bly leur donne une identité, raconte leur histoire, et tente aussi d’en réconforter certaines, enfermées abusivement parce que fragiles, pauvres ou immigrées.

    Voici un récit passionnant, à la plume alerte, où l’auteure engage tout son être, son humour salvateur et sa nature révoltée, amorçant une réflexion sur la folie qui atteint sous son regard effrayé et compatissant un point de non-retour. Pionnière du journalisme infiltré, Nellie Bly se révèle aussi une citoyenne féministe, et son témoignage bouleversera les autorités de la ville. Ayant gagné son billet au _New York World_, elle ne compte pas s’arrêter là. A suivre…

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