Un fond de verite

Zygmunt Miłoszewski

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  • Conseillé par
    24 novembre 2017

    Sa liaison avec une jeune journaliste a sonné le glas du mariage de Teodore Szacki, procureur vedette du parquet de Varsovie. Déprimé par son divorce, il a choisi de quitter la capitale polonaise pour la petite ville de Sandomierz, charmante bourgade au bord de la Vistule. Mais la solitude l'écrase et l'ennui rôde. Sandomierz est trop calme. Entre deux liaisons aussi vaines qu'insatisfaisantes, le procureur ne s'occupe que de bagarres d'ivrognes et d'accidents de la route. ''Heureusement'', un cadavre va le sortir de sa pénible routine. Le corps d'Ela Budnik est découvert près de l'ancienne synagogue. Nue, vidée de son sang, la jeune épouse d'un conseiller municipal a été égorgée comme une bête, selon le rituel juif. Toute la ville est en émoi et de vieilles légendes refont surface. On a toujours accusé les juifs de fabriquer leur pain azyme avec le sang des enfants catholiques. Le fait que très peu d'entre eux soient revenus des camps et que la victime ne soit plus une enfant ne trouble personne. La presse s'empare de l'affaire, les mères n'osent plus envoyer leur progéniture à l'école et l'antisémitisme pointe son nez. Dans cette petite ville où tout le monde se connaît, Szacki est jugé le plus objectif pour mener l'enquête.

    Avec Barbara Sobieraj, une collègue qu'il n'apprécie guère et Leon Wilczur, un vieux flic qu'il juge aigri, le procureur se lance sur la piste du tueur alors que les crimes continuent, tous sanglants et tous semblant pointer vers un meurtrier juif.

    Après avoir exploré les fantômes du communisme dans Les imliqués, Zygmunt Miloszewski remet en scène son procureur fétiche dans une enquête pleine de rebondissements qui le conduira à explorer une nouvelle facette de l'histoire de la Pologne : la difficile cohabitation entre juifs et catholiques sur fond de légendes urbaines, de jalousie, de ressentiments et d'antisémitisme. Un pan d'histoire instructif et passionnant où les pogroms, les massacres et le difficile retour des camps se justifient par le mythe du juif avide de sang chrétien qui vole et tue sans vergogne les enfants catholiques. Côté vie privée, l'inflexible procureur s'éparpille, se cherche sans se trouver. Cet éternel insatisfait doit aussi se faire à l'idée que dans une petite ville tout se sait. Ses faits et gestes sont disséqués et commentés, la discrétion est un luxe qui n'existe pas à Sandomierz.
    Une enquête bien menée, une leçon d'histoire et un enquêteur finalement attachant malgré ses défauts, Un fond de vérité a tout pour plaire et en supplément la ville de Sandomierz avec son quartier historique, son château et ses églises donne des envies d'escapades polonaises malgré son passé sombre et tourmenté. Un deuxième opus encore plus réussi que le premier.


  • Conseillé par
    16 septembre 2017

    Un polar "polak", ça change !

    Zygmunt Miloszewski incarne-t-il une école polonaise du roman policier ? Ou bien brandit-il juste l'étendard de son propre talent ? Une certitude : grâce à lui, le drapeau blanc et rouge flotte bien haut sur la carte de la mondialisation du polar. En 2013, ce journaliste-écrivain de 38 ans, endurci à l'école du faits divers, s'était déjà fait remarquer avec " Les Impliqués ", premier volet de sa saga, finaliste dans trois palmarès littéraires majeurs (Polar SNCF, Polar européen du point, Prix des lectrices de Elle). Aujourd'hui, avec " Un fond de vérité ", il confirme tout le bien qu'onlalu en pensait à l'époque.

    Il nous invite à retrouver l'élégant et grisonnant Teodore Szaki, ce procureur-séducteur dont la fonction et la personnalité cristallisent quelques interrogations de fond sur la Pologne moderne. Choix judicieux pour un héros récurrent. Un magistrat plutôt qu'un policier, pour avoir un pied dans la capitale et l'autre en province. Un divorcé en quête de sensations, histoire de se glisser dans d'autre intimités que celles dictées par l'enquête. Un homme cultivé, capable de distinguer un peu de lumière dans les ténèbres.

    Tout frais muté dans la tranquille cité historique de Sandomierz, le beau Teodore hérite d'un crime mis en scène comme un rituel antisémite. Sur cette terre qui a connu les pogroms et les camps d'extermination, c'est la boîte de Pandore qui s'ouvre. Le voici aspiré dans un tourbillon de préjugés rances et de vieilles haines jamais surmontées. Ce premier meurtre, et ceux qui vont suivre, relèveraient-il d'une vengeance religieuse ?

    Le romancier polonais use de l'énigme policière comme d'un prétexte. Il renvoie ses compatriotes à leur passé de divisions religieuses. Il tourne en dérision une certaine vision de la nation, ou de la patrie, fondée sur le rejet et l'oppression. Il s'en sort en évitant tous les pièges, à commencer par celui de l'ennui, s'appuyant sur un sens du récit impeccable et un humour subtilement désespéré. Le polar comme prisme d'une culture, comme décodeur d'une société. Une fenêtre qui s'ouvre.

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