Sorbonne plage

Edouard Launet

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  • Conseillé par
    5 juin 2016

    la plage et la bombe

    En amoureux de la Manche, Edouard Launet, découvre " le nez plongé dans les cartes marines ", la presqu'île de l'Arcouest, un petit village des Côtes du Nord. La famille Bettencourt y possède une maison avec vue magnifique sur la baie de Paimpol et la presqu'île de Bréhat. Mais ce coin fortuné fut aussi " le repaire estival des grands noms français de la physique atomique ". C'est le point de départ d'un récit qui mêle histoire d'un lieu magnifique, d'une époque, celle qui va de l'Affaire Dreyfus à Hiroshima, et d'un groupe de scientifiques de haut vol. Marie Curie, sa fille Irène, et son gendre, Jean Perrin et son fils Francis, et bien d'autres grands noms de la physique atomique y séjournent à partir de 1910. Ils y achètent des maisons, se baignent, naviguent à la rame en famille, escaladent des rochers, organisent des randonnées avec une ribambelle d'enfants, bref se ressourcent et se marient entre eux. Ce petit paradis, surnommé Fort la Science ou Sorbonne Plage, compte des historiens, des mathématiciens, des artistes, des hommes politiques qui se battent pour la paix, la justice sociale, le progrès humain, la liberté. En journaliste scientifique, Edouard Launet, enquête sur ces vacanciers pas comme les autres dont quatre d'entre eux sont honorés d'un prix Nobel. Mais " leur rêve " écrit Edouard Launet, " s'est brisé net le 6 août 1945 à 8 h 16, heure de Tokyo ". L'explosion de la première bombe atomique à Hiroshima met à mal leur credo d'une science au service de l'humanité : " le progrès n'est pas synonyme de mieux mais de mort ". Et d'ajouter, " le désenchantement qui a suivi pèse aujourd'hui sur le joli paysage de l'Arcouest comme un nuage de grain ou d'apocalypse ".

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  • Conseillé par
    1 juin 2016

    Au début du XXème siècle, de nombreux scientifiques venaient en vacances dans les Côtes d’Armor dans un lieu appelé L’Arcouest pas très loin de Paimpol. C’est le poète Anatole Le Braz qui sans le vouloir fit de cet endroit un lieu de villégiature pour ces scientifiques parisiens. Ils y achetèrent ou construisirent des maisons secondaires avec vue sur la baie de Paimpol. Ils faisaient du bateau, s’amusaient. Marie Curie avec ses filles puis avec son gendre Frédéric Joliot-Curie (physicien et mari d'Hélène), Jean Perrin le physicien, Pierre Auger mais aussi des mathématiciens, des chimistes. "Ce groupe de l'Arcouest, comme on le désigne communément, comptait aussi dans ses rangs estivaux des historiens, mathématiciens, artistes, hommes politiques. Ces personnes éminentes et leurs familles formaient en Bretagne une compagnie d'humanistes : tous se battaient pour la paix, la justice sociale, le progrès humain, la liberté."
    Un phalanstère fermé idéaliste qui ne se mêle pas aux habitants et où il faut montrer patte blanche pour y entrer. Les enfants des uns se marient avec ceux des autres : une véritable tribu.
    Le reste de l’année, ils sont à leurs travaux et sont politiquement de gauche.

    Après les découvertes des époux Curie concernant l’uranium, nous en sommes sommes à la fission de l'atome.
    Et certains s'en inquiètent comme le physicien hongro-américain, Leo Szilard. Mais la bombe atomique voit le jour puis on assiste à Hiroshima et Nagasaki en 1945.
    En France, l’opinion publique se félicite (le journal "Le Monde" parle "d’une révolution scientifique") mais des voix s'élèvent : "Nous vous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie" écrit Albert Camus dans le quotidien "le Combat" le 8 août 1945.
    "En Bretagne, le phalanstère accueille la nouvelle dans un mélange de consternation et d’excitation". Car on est un peu jaloux que les Américains aient continué les recherches entreprises initiées en France.
    D'ailleurs, Frédéric Joliot écrit : "S'il faut admirer l'effort gigantesque de recherche et de de fabrication réalisé par les Américains, il n'en reste pas moins vrai que les premiers principes de réalisation ont été trouvés en France. Il constitue un appoint de première importance à cette nouvelle conquête de l'homme sur la nature".
    Est-ce que la culpabilité surgit chez ces humanistes ? On en doute.

    À partir de photos, de témoignages, de journaux, Edouard Launet nous raconte cette histoire humaine, scientifique, intellectuelle et politique. Il s’invite dans le récit, pose des questions. Il n’a pas peur d’utiliser l’ironie et quand il parle de travaux sur les atomes, le lecteur n’est jamais noyé ou perdu. Il n’oublie pas les décès des pêcheurs et sait nous rendre toute la beauté de ce lieu des Côtes-d'Armor et de ces étés insouciants.
    Un essai très bien mené et très intéressant (on apprend plein d'éléments dont certains font froid dans le dos) !

    "En 1903, Pierre Curie en recevant à Stockholm le prix Nobel de physique avec sa femme avait ensuite évoqué, hommage de circonstance, les puissants explosifs inventés par Alfred Nobel qui avaient "permis aux hommes de faire des travaux admirables", tout en prenant se souligner une nouvelle fois qu‘une telle invention était aussi "un moyen terrible de destruction entre les mains des peuples vers la guerre". La conclusion de Pierre Curie fit malgré tout d’un bel optimisme, parce que ce n'était pas le moment d'injurier l'Académie royale des sciences de Suède :"Je suis de ceux qui pensent, avec Nobel, que l'Humanité tirera plus de bien que de mal des découvertes nouvelles".

    Albert Camus dans le quotidien "Le Combat" :
    "Que, dans un monde livré à tous les déchirements de la violence, incapable d'aucun contrôle, indifférent à la justice et au simple bonheur des hommes, la science se consacre au meurtre organisé, personne sans doute, à moins d'idéalisme impénitent, ne songerait à s'en étonner."