Quand la poésie rencontre la sociologie.
Anna Serra fait de la poésie pulsée, de la poésie scandée. Ce recueil est composé de quatre longs poèmes déclamés à travers la France, devant un public ou sur un pont au-dessus du vide. Le premier poème, éponyme, parle du métier dans lequel nous rentrons parfois par passion, et nous rappelle que nous ne sommes pas qu'un statut social. "Je ne suis pas poète, je suis amoureuse". C'est l'amour des choses et des gens qui nous porte dans nos projets, nos activités et nous fait prendre des décisions, plutôt que nos compétences. Son deuxième poème évoque les difficultés d'arrêter l'écriture quand on l'a toujours fait, mais qu'elle nous mange autant qu'elle nous porte. Au global, ce recueil à l'écriture incisive fait le lien entre les formes d'amour et nos activités concrètes d'humain. L'oralité se ressent dans l'écriture, les poèmes cognent juste. La mise en page est réalisée par Régis Glaas et saisit votre regard, Anna Serra vous accroche avec ses mots tout du long.
Un ouvrage aussi beau à regarder qu'à lire.

Une plongée dans le Glasgow des années 90.
Avec son nouveau roman, Douglas Stuart dépeint le portrait d’une famille dysfonctionnelle, abimée, déchirée. Une mère alcoolique, un grand frère brutal Hamish et une soeur protectrice Jodie. Au milieu de tout ça, il y a Mungo, un adolescent de 15 ans. Mungo signifie « le bien-aimé ». Mo-Maw, sa mère, l’a appelé comme ça en référence à saint Mungo, premier évêque de Glasgow. Il est son petit dernier, celui qui s’inquiète en permanence pour elle, celui qui ferait tout pour elle.
Mungo est protestant. James est catholique. Dans cette guerre de gang menée par Hamish du côté des protestants, Mungo et James devraient se haïr et pourtant ils tombent amoureux. Lorsqu’elle l’apprend, Mo-Maw décide d’envoyer Mungo avec deux hommes pour aller pêcher, mais surtout pour lui apprendre ce qu’est être un homme, un vrai.
Douglas Stuart signe un roman social où la violence est omniprésente. Et pourtant il y a une grande sensibilité qui entoure le personnage de Mungo. Sous une écriture incisive, franche et brutale, l’auteur réussit à faire ressortir toute la justesse et la beauté des sentiments d’un adolescent qui tombe amoureux pour la première fois.
Un second roman magistral pour Douglas Stuart !

Voici un excellent romain contemporain qui dit le Rwanda d'aujourd'hui. Un Rwanda inscrit dans la modernité mais meurtri par son passé.
Durant une année, Erika, une jeune femme vivant à Kigali, écrit à sa sœur qui réside en Belgique. Le point de départ de cette correspondance à sens unique est la rupture amoureuse d'Erika avec Vincent. Une rupture qui vient remuer la plaie béante laissée par le génocide dans l'âme des Rwandais.
Dominique Celis, tout comme Erika, est rwandaise d'origine Tutsi par sa mère et Belge par son père. En donnant la parole à Erika, elle montre la complexité de la situation très particulière qu'est la politique d'unité nationale et de réconciliation appliquée par l'Etat rwandais depuis le génocide de 1994.
Erika est habitée par un combat intérieur, elle dont les tantes ont été massacrées mais dont les parents ont réussi à se réfugier en République du Congo.
Elle est aussi entourée par des personnages hauts en couleur qu'elle fréquente chez Maman Colonel. Des hommes et des femmes qui sont sa nouvelle famille et qui apportent une grande lumière au livre et qui éclairent aussi le cheminement intérieur difficile d'Erika. Elle doit trouver le moyen de se réinventer une histoire en lien avec ce petit pays au passé indélébile que l'État souhaiterait effacer.
Il est grand temps d'entendre la voix de Dominique Celis. Elle est scandée, contemporaine, lucide, sans concession et donc essentielle.

Il se passe des choses étranges à Needless Street. Dans cette maison isolée, totalement plongée dans le noir et barricadée, la musique bat toujours son plein mais les verrous sont toujours tournés à triple tour. Une seule personne y entre et en sort et pourtant, on jurerait entendre plusieurs voix. Personne ne s’intéresse à cette maison ni à son propriétaire,Ted. Cependant les choses vont prendre un tournant pour le moins inattendu lorsqu’une nouvelle voisine emménage dans la maison d’à côté, avec l’intime conviction de savoir exactement ce qu’il se passe dans cette dernière maison avant les bois,
Ce polar est tel un puzzle qu’on essaie désespérément d’assembler sans réellement comprendre comment les pièces peuvent s’imbriquer entre elles. Une chose est sûre, on se laisse happer par l'intrigue et les personnages !

Toujours dans sa lignée féministe, Roxane Gay nous offre ici un recueil de nouvelles.
C'est une lecture éprouvante que nous propose, cette fois encore, l'autrice. Les nouvelles tournent autour de femmes puissantes ou « difficiles » selon les standards de la société. Marginales et torturées, elles acceptent cette part de noirceur intérieure qui les rend fortes et prêtes à tout.
Roxane Gay explore les bas-fonds des États-Unis, où les émotions sont à vif et la violence omniprésente. Les portraits sont habités, déroutants, parfois cruels et autodestructeurs. Mais ils demeurent longtemps gravés en nous après la lecture.