Au bal de la chance
EAN13
9782352870210
ISBN
978-2-35287-021-0
Éditeur
Archipoche
Date de publication
Collection
ARCHIP.ESSAI-D.
Nombre de pages
221
Dimensions
17,8 x 11,2 x 1,5 cm
Poids
160 g
Langue
français
Code dewey
782.421
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Au bal de la chance

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Au bal de la chance a paru initialement aux éditions Jeheber, Genève, 1958.

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eISBN 978-2-3528-7670-0

Copyright © L'Archipel, 2003.

Avant-propos

T'avais un nom d'oiseau et tu chantais comm' cent
Comm' cent dix mille oiseaux
qu'auraient la gorge en sang...

À une chanteuse morte
Léo FERRÉ

Exception faite de Georges Brassens et de Jacques Brel, aucun autre artiste de la chanson française n'a fait l'objet d'autant d'ouvrages qu'Édith Piaf. Biographies, livres de souvenirs de proches – et de moins proches –, albums de photographies, recueils d'anecdotes plus ou moins vérifiables, plus ou moins fantaisistes, tentatives d'analyses thématiques, etc. Certains s'y reprenant même à deux, voire trois reprises, tant le filon devait être lucratif.

Aujourd'hui, l'ensemble de ces ouvrages forme une somme d'une cinquantaine de volumes ; auxquels il convient d'ajouter quelques publications étrangères (Pologne, Suède, Grande-Bretagne...), montrant à quel point la gloire de la Môme avait dépassé le cadre du public francophone pour atteindre une indiscutable notoriété universelle.

Édith Piaf, elle-même, participera à l'édification de ce monument bibliographique en signant deux livres de souvenirs intitulés Au bal de la chance et Ma vie. Elle n'en écrivit bien sûr aucun ; chacun d'eux étant le fruit d'entretiens avec un journaliste se chargeant, par la suite, de mettre en forme cette abondante matière brute. Le tout finissant par s'organiser comme un récit à la première personne ; comme si Piaf laissait aller sa plume, au fil des résurgences de sa mémoire.

Au bal de la chance– que vous tenez entre les mains – fut ainsi écrit par Louis-René Dauven, journaliste à Radio-Cité et à La Vie parisienne et, par ailleurs, spécialiste de l'histoire du cirque. Il fut initialement publié au printemps 1958, avec une préface de Jean Cocteau1.

Ma vie sortit en librairie au début de l'année 1964, trois mois après la disparition de la chanteuse2. Il s'agit d'une compilation d'articles et d'interviews déjà publiés par Jean Noli dans l'hebdomadaire France-Dimanche, entre 1961 et 1963, et retravaillés pour la circonstance pour en unifier le style et leur apporter une plus grande cohérence narrative.

Bien des choses sont fantaisistes dans ces deux ouvrages. Leur lecture en parallèle nous donne à maintes reprises des versions radicalement différentes de la même anecdote ou du même épisode de la vie de la chanteuse. Affabulation, exagération ou travestissement pur et simple de la vérité ne sont jamais loin. Et, de fait, dans le recueil de souvenirs – signé de son nom, cette fois – qu'il consacrera une dizaine d'années plus tard à la chanteuse disparue3, Jean Noli nous explique à plusieurs reprises comment ils ne s'encombraient ni l'un ni l'autre de vérité historique, dès lors qu'il s'agissait d'émouvoir le lecteur. Les deux compères inventant et magnifiant à leur guise des anecdotes que certains biographes colporteront par la suite comme des faits avérés – et qui font désormais partie des mythes les plus solides de « la légende Piaf ».

Un exemple parmi d'autres... Bien avant d'être la môme Piaf, à l'époque où elle n'était encore qu'une pauvre gosse de misère chantant dans les rues pour subsister au jour le jour, Édith eut une fille, prénommée Marcelle, qui ne vécut qu'un peu moins de dix-huit mois avant d'être emportée, en quelques jours, par une méningite foudroyante4. N'ayant pas le moindre sou pour payer les frais d'obsèques, et ne se sentant pas le cœur à chanter pour en gagner, Édith emprunte quelques dizaines de francs autour d'elle. Mais la somme est loin d'être suffisante et, pour la compléter, la jeune femme n'a d'autre ressource que de se prostituer. « Un type qui remontait la rue de Belleville derrière moi m'a racolée comme une fille. Et j'ai accepté. Je suis montée avec lui pour dix francs. Pour enterrer mon enfant5 ! »

Pour rendre le tableau encore plus déchirant – et bien digne des chansons réalistes, glanées au fil des rues, qui constituaient alors l'essentiel de son répertoire –, elle raconte l'épisode dans Ma vie en y ajoutant une bonne louche de pathos et d'eau de rose : ému par l'histoire de la fillette, morte le matin même, le client la laisse repartir, sans rien exiger d'elle, lui faisant cadeau des dix francs convenus pour la passe.

Une version édifiante et mélodramatique, dont Jean Noli nous livre la genèse. N'oublions pas qu'à l'époque où Noli fait cette interview Édith Piaf n'est plus l'anonyme mendigote des trottoirs en passe d'être découverte par Louis Leplée, mais une star dont la renommée a très largement dépassé les frontières de l'Europe. Tout simplement l'une des plus grandes vedettes mondiales en activité.

« Je crains, Édith, que si vous racontez que l'homme a couché avec vous, cette chute ne choque les lectrices...

— Vous avez raison. Que suggérez-vous ?

— Je dirais que, lorsque vous vous êtes retrouvée avec l'inconnu dans la chambre de passe, vous avez éclaté en sanglots.

— C'est bien. Et après ?

— Ensuite le type vous a demandé la raison de vos larmes et vous lui avez révélé la mort de votre enfant. Alors, il a eu pitié de vous, vous a donné la pièce quand même, sans vous toucher, et il est reparti.

— Vous avez raison. C'est plus joli et c'est moral6. »

Et Noli d'ajouter ce commentaire qui en dit long sur le pouvoir d'autosuggestion que peuvent avoir certaines personnes : « Quelques jours plus tard, Édith, revenue sur cet épisode de sa vie, me le raconta avec la conclusion que je lui avais suggérée. Je lui demandai innocemment :

— Et le bonhomme ne vous a pas touchée, Édith ?

— Pas un cheveu. C'était un gentleman. »

Ainsi Édith Piaf corroborera-t-elle la plupart des légendes qui forgent son mythe, avec – le plus souvent – l'apparence d'une sincérité absolue. Comme si elle avait fini par se convaincre que tout cela était vrai. C'est un point sur lequel il n'est pas inutile de s'arrêter, car il n'y avait sans doute chez elle aucun désir conscient de duperie. Et surtout pas celui de tromper son public, auquel elle vouera toujours un immense respect ; quitte à chanter parfois, pour lui, jusqu'à l'extrême limite de ses forces. Qu'on en soit persuadé : Édith Piaf n'était pas une truqueuse. Ni une menteuse. C'était une femme d'une grande honnêteté et d'une grande sincérité ; avec un côté fleur bleue et un cœur de midinette qui la rendit parfois victime de sa propre crédulité. Victime aussi de la rapacité de ceux qui, dans son entourage plus ou moins proche, surent abuser de son inépuisable générosité. Au point qu'elle mourut couverte de dettes... elle qui était l'une des vedettes les mieux payées du monde.

Cette complicité implicite de Piaf, dans l'édification d'une mythologie à laquelle elle finira par croire elle-même, n'est pas en soi un phénomène unique. Nombreux sont les personnages publics et les artistes de premier plan qui aiment à corriger le trait lorsqu'il s'agit d'écrire leurs mémoires ou de confier à un tiers le soin de conter leur enfance, leurs débuts et leur accession à une gloire qui ne souffre désormais plus la moindre trace d'ombre. Ces coups de pouce à l'histoire vont donc, généralement, dans le sens de l'idéalisation ou – au pire – du mystère entretenu. Or, dans le cas d'Édith Piaf, cela va toujours vers un surcroît de pathos et de misérabilisme, derrière lesquels se devine ce qu'il faut bien appeler un indéniable masochisme. L'idée d'une revanche, aussi.

Revanche du rêve sur les années douloureuses d'une enfance et d'une adolescence frappées au coin de la misère et de la rue, du désespoir et de la faim. Revanche également sur une certaine banalité du malheur : quitte à avoir vécu une enfance miséreuse, autant forcer sur la mouise et le pétrin, broder sur la débine pour la rendre plus pathétique encore. Comme pour mieux souligner le chemin parcouru et accentuer, autant que faire se peut, le contraste entre le ruisseau des or...
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