L'étrange histoire de l'amour heureux
EAN13
9782200242756
ISBN
978-2-200-24275-6
Éditeur
Armand Colin
Date de publication
Collection
INDIVIDU ET SOC
Nombre de pages
227
Dimensions
20 x 13 cm
Poids
340 g
Langue
français
Code dewey
306.7
Fiches UNIMARC
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L'étrange histoire de l'amour heureux

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Armand Colin

Individu Et Soc

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1?>D'où vient l'amour ??>Pour dérouler un récit, l'idéal est de commencer par un début bien net. Or, sur ce point, je m'affronte d'emblée à un problème. Car l'amour a toujours existé, dans toutes les sociétés, avec parfois un art érotique si raffiné qu'il pourrait nous rendre jaloux. Ou un art poétique1. Ou un art sentimental. Claude Lévi-Strauss explique ainsi dans Tristes Tropiques combien il fut impressionné par l'atmosphère érotique qui imprégnait la vie quotidienne des Nambikwara. Une sensualité omniprésente mais sublimée par une quête ludique et sensible. De tels exemples pourraient être multipliés à l'infini, en voyageant dans les cultures les plus diverses. L'éthique raffinée du Kama Sutra indien. La Chine d'avant Confucius, quand la sexualité était vue comme la chose la plus naturelle du monde2. L'Égypte des pharaons, quand la copulation divine symbolisait le renouvellement de la nature au printemps3. La fertilité et la procréation ont presque toujours été liées au sacré. On ne compte plus les rites phalliques où des emblèmes de sexes en érection furent brandis comme autant de promesses. On ne compte plus les cérémonies où furent célébrées les jouissances asso ciées à la procréation. Voyez Babylone, il y a cinq mille ans4. Écoutez cette prière féminine invoquant la déesse de l'amour : « Prends-moi ! N'aie pas peur ! Bande sans crainte ! Par ordre d'Ishtar ! »Il me faudrait avoir le temps de décrire cette infinie richesse. De vous parler par exemple de l'exceptionnelle volupté de l'érotisme arabe5, de la poésie amoureuse préislamique, et des Mille et Une Nuits où les femmes régnaient sur le désir6. Mais aussi de cette première époque de l'islam rayonnant, où l'amour charnel était vu comme lié à la volonté divine7. De vous parler encore des poèmes épiques du désert d'Arabie, tel Le Fou de Laylâ8, qui annonce déjà, au viie siècle, la révolution amoureuse à venir en Occident au siècle de l'amour courtois.Loin d'être réservée aux cultes païens, l'exaltation de la chair amoureuse se retrouve plus d'une fois dans les grands monothéismes. Dans le Cantique des cantiques, ou chez les mystiques musulmans comme Ibn'Arabî, dans son Traité de l'Amour : « La contemplation de Dieu dans les femmes est la plus parfaite, l'union la plus intense étant l'acte d'amour9. » Néanmoins, et c'est ce qui met en route toute l'histoire du sentiment amoureux, cette idée que l'amour de la chair (humaine, trop humaine...) et celui du divin puissent coïncider a bien plus souvent été ressentie comme un scandale par les religions du salut. Et le renoncement à la chair posé comme la condition d'un amour authentique menant à Dieu.L'amour la nuit?>Tout débute donc – un peu arbitrairement je le concède – il y a près de trois mille ans, quelque part dans l'Iran d'aujourd'hui. Quand Zarathustra inventa une toute nouvelle religion, évoquant pour la première fois dans l'histoire la possibilité d'un salut dans l'au-delà. Il fallait pour cela choisir son camp, celui du Bien contre le Mal, de la Lumière contre les Ténèbres. L'idée de lumière divine a été présente dans la plupart des religions, spécialement dans l'héritage indo-européen10, mais Zarathustra introduisit un dualisme beaucoup plus marqué. Quelques siècles plus tard, dans la même région, un autre prophète, Mani, radicalisa encore l'opposition. Ces événements très anciens ont laissé beaucoup de traces dans nos esprits. Par exemple cette habitude intellectuelle que nous avons de tout opposer en catégories binaires irréductibles.Dans les premiers siècles chrétiens, « manichéens » fut le nom d'une secte religieuse qui suivait les enseignements de Mani. Il y en avait bien d'autres à l'époque, toutes plus ou moins radicalement dualistes : gnostiques, encratites de Syrie, marcionites, valentiniens, mandéistes, etc. Sans compter les formes plus individuelles de renoncement comme celles que prônaient les Pères du désert11. L'idée radicale était que la Lumière céleste s'opposait à la noirceur du monde, que le monde en lui-même était mauvais, qu'il fallait s'y refuser dans l'attente de l'au-delà. La sexualité apparaissait doublement condamnable. Parce qu'elle suscitait des désirs coupables, et parce que, par la procréation, elle perpétuait la vie obscure de l'ici-bas12. C'est ainsi que l'on vit se développer d'innom brables groupes et communautés prêchant la douceur mystique des relations humaines, mais sans volupté sensuelle, un amour de Dieu et du prochain sans passions ni désirs individuels.
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