Orange, c'est nous !

L'histoire étonnante d'un groupe Facebook qui réunit 13 000 salariés d'Orange : quand l'entreprise ne parvient plus à piloter le collectif autrement que par un « management du stress », il est temps que le collectif se pilote lui-même ! Une histoire d'entraide, de coopération, de solidarité et de reconstruction du lien social.
Quand Christophe Ndi, en 2014, alors qu'il vient de rejoindre la direction générale du Groupe Orange, crée un groupe Facebook pour réunir quelques salariés, il est loin de se douter de l'engouement extraordinaire que celui-ci va provoquer.
Il envoie 30 invitations et ce sont bientôt des centaines de membres qui rejoignent le groupe. Devant cet emballement, Christophe Ndi envisage d'entrer au service communication d'Orange. Cette mutation lui est refusée, ce qui n'empêche pas Christophe de poursuivre son animation du groupe Facebook, qui réunit bientôt 3 000 membres. Mais la tâche est colossale et Christophe a deux plein-temps. Un syndicat, la CFE-CGC, percevant l'utilité de ce réseau, lui propose alors une décharge syndicale qui lui permet de s'y consacrer.
Pourquoi cet engouement ? Nul doute, l'existence de cette communauté en ligne répond à un besoin urgent : mettre de l'huile dans les rouages, créer des liens entre les gens. Le réseau social permet de réaliser ce que l'Intranet ne parvient pas à faire : il devient en effet très vite un lieu d'entraide et de solidarité entre les salariés. Un problème technique, une question épineuse, un besoin d'information... il suffit de poster une question et les réponses affluent.
Véritable outil collaboratif, qui génère d'infinis échanges et rencontres, le groupe compte aujourd'hui 13 000 membres, 100 à 150 posts par jour, et 1 000 personnes « actives » en permanence. Les membres sont de tous niveaux de poste, de tous milieux, de tous âges.
La charte du groupe est claire : on n'y parle ni syndicat, ni politique, ni religion ; les petites annonces personnelles (et non-professionnelles) sont proscrites ; la bienveillance est la règle. Il n'y a pas de sous-groupes par secteur, pour éviter tout cloisonnement : il est au contraire essentiel que les salariés puissent dialoguer tous ensemble, tous secteurs et postes confondus.
En 2009, Ivan Du Roy décrivait dans un livre, Orange stressé, la souffrance au travail des salariés. Ce livre est comme un second volet, 10 ans plus tard, qui montre comment le collectif a repris la main sur le travail et les relations qu'il génère. Ainsi, la culture d'entreprise détruite par le « management du stress » a été reconstruite par les salariés eux-mêmes grâce à un réseau social. Quand l'entreprise n'arrive plus à piloter le collectif, le collectif se pilote lui-même... et beaucoup mieux !
Orange, c'est nous !, c'est une histoire à raconter à tout le monde, et à propager d'urgence.