Conseillé par Morgan
Il y a presque dix ans, Pierre Adrian partait sur les traces de Pier Paolo Pasolini entre le Frioul et Rome. Dans « Hôtel Roma », il s’intéresse et dresse le portrait d’une autre figure majeure de la littérature italienne, Cesare Pavese. Plus mélancolique et discret, moins polémique, son oeuvre et sa personnalité reflètent plus justement la sensibilité et les questionnements de ce trentenaire solitaire adepte de littérature et de flânerie. Arpentant les rues de Turin et les collines environnantes, allant jusqu’en Calabre, Pierre Adrian découvre avec émerveillement certains des lieux ayant été fréquentés par Cesare Pavese. L’auteur de « Travailler use », « Le bel été » et « Le métier de vivre » acquiert dans ce texte une présence fantomatique. Ses réflexions et son œuvre se superposent à la réalité, comme en surimpression. C’est un récit solaire, un voyage intérieur où s’entremêlent et se font écho deux époques, deux trajectoires. Une fois « Hôtel Roma » terminé vous n’aurez qu’une envie : vous (re)plonger dans ses livres.
Conseillé par Coralie
La petite bonne, c'est cette femme invisible qui se presse de maison en hôtel particulier avec un panier rempli de brosses et de produits d'entretien. Habituée aux tâches ingrates, à la préparation des petits déjeuners, à récurer les sols et laver le linge, son quotidien est chargé, répétitif et usant.
Dans ce roman de Bérénice Pichat, la petite bonne, au cœur des années 30, travaille notamment pour la famille Daniel ; lui est infirme et gueule cassée, rescapé de la bataille de la Somme, sa femme est dévouée à son mari, aidante et soignante à la fois.
La petite bonne évite autant que possible le salon sombre dans lequel vit M. Daniel, mutique et observant l'extérieur sans se lasser. Un jour, Alexandrine Daniel est invitée à une partie de campagne auprès de ses amis. À la fois ravie et inquiète de quitter son mari et cette ambiance morose, elle demande à la bonne de rester avec lui jour et nuit, ce qu'elle accepte. Commence alors un huis clos entre cette femme méticuleuse et cet homme abimé. Il va alors lui faire une demande surprenante qui va créer une ambiance particulière entre eux dans ce temps suspendu de l'attente.
En dehors de cette histoire aux personnages attachants, l'écriture du roman est originale et de circonstance : tantôt en vers, tantôt en prose en fonction du protagoniste qui s'exprime, ce style ajoute du corps à ce roman.
"La petite bonne" est un roman sensible dont la lecture nous emporte avec facilité dans l'atmosphère des années trente.
Conseillé par Stéphanie
Publié en 1988 au Nicaragua, ce roman est traduit pour la première fois en France, alors qu'il est pourtant considéré comme un texte de référence depuis longtemps.
Le lecteur est tout de suite happé par cette histoire qui s'ouvre de manière très onirique. L'esprit d'une guerrière indigène, Itza, morte il y a des siècles sous les balles espagnoles, s'installe dans un oranger au fond du jardin de Lavinia. De manière subtile, elle va s'incarner en Lavinia, et lui insuffler patiemment une désir de révolte.
Lavinia est une jeune femme privilégiée ayant fait des études à l'étranger. Quand le roman s'ouvre, dans les années 70, elle commence sa première journée en tant qu'architecte. Surtout, elle vient tout juste de prendre sa liberté en quittant le domicile parental pour s'installer dans une maison léguée par sa tante. Faguas, la ville où vit Lavinia est une ville imaginaire mais qui ressemble fort au Nicaragua. Dans cette dictature de généraux, Gioconda Belli, mêle à merveille deux récits de résistance. Celui de cette jeune autochtone, morte il y a des siècles, et celui de Lavinia dont l'histoire d'amour passionnelle avec Felipe, révolutionnaire, va lui ouvrir les yeux. C'est aussi une réflexion féministe sur l'émancipation de la femme dans cet univers machiste de l'Amérique Latine des années 70. Un grand coup de coeur.
Conseillé par Stéphanie
Ce jour de février 1934, VIviane Lombard passe l'imposante grille du non moins imposant manoir de Winnicott Hall, un bijou d' architecture anglaise du 17ème siècle plongé dans la brume.
Elle ignore encore que les mois à venir vont bouleverser bien des choses. Pour le moment, elle fait la connaissance de George, petit garçon aveugle de dix ans, à l'âme de grand sage dont elle vient s'occuper en tant que préceptrice.
Ses parents, Lucille Montgomery, mère aimante et surprotectrice et Archibald Montgomery, archéologue passionné, viennent de s'installer de cette grande bâtisse de pierres grises aux multiples fenêtres que Mr Talbott le majordome, Mrs Doods la cuisinière et Pearl et Ruby, les deux soubrettes, tentent d'entretenir et de faire vivre. En effet, il est difficile de recruter du personnel car le manoir a la réputation d'être hanté. Et plus le roman avance , plus le lecteur se prend au jeu des fantômes, de plus en plus présents. On s'amuse à se laisser embarquer avec humour dans cette histoire à la fois classique dans son ambiance "so british" des années 30 et atypique grâce à tous ces personnages morts et vivants. Un excellent moment de détente.
Conseillé par Morgan
Yan Lianke ne possède que des bribes de souvenirs de son enfance. Pourtant, ces quelques fragments suffisent à nous faire découvrir et ressentir ce qu’à pu être sa jeunesse à Tianhu, un village situé au centre de la Chine. Né en 1958, il assiste à la Révolution culturelle initiée par Mao Zedong. Il raconte avec une certaine ironie les répercussions de cet événement sur son environnement et ses habitants, les séances d’autocritique, la glorification du Parti ainsi que la propagande. Son enfance est marquée par sa rencontre avec Jianna, avec qui il passe beaucoup de temps, et ses vacances chez ses tantes. C’est un garçon curieux et rêveur qui, après avoir lu le poète Li Bai, n’a qu’une idée en tête : vivre une vie aventureuse et écrire. Cette furieuse envie d’ailleurs lui fera découvrir les merveilleuses grottes de Longmen où sont exposées des statues bouddhistes. Si sa mémoire est parcellaire, Yan Lianke parvient à reconstituer cette époque révolue, à nous faire éprouver ses joies et ses peines, à nous faire découvrir les paysages de son enfance et les légendes qui ont marqué son imaginaire.