Conseillé par Manon R
Après « Hamnet » et une plongée dans la vie familiale de Shakespeare, changement de décor pour le nouveau roman de Maggie O’Farrell qui nous emporte tout droit dans la Renaissance italienne où elle dresse avec talent le portrait de Lucrèce de Médicis.
XVIème siècle. Lucrèce, fille de Cosme 1er, duc de Toscane et d’Éléonore de Tolède, grandit entourée de ses nombreux frères et sœurs. Pourtant elle n’est pas comme eux : c’est une enfant curieuse. Amoureuse des animaux, elle est la seule à caresser un tigre. Passionnée de peinture, elle en fait son passe-temps. Lucrèce c’est l’esprit sauvage de la famille, animée par une envie de liberté. Malheureusement, Lucrèce va connaître une fin tragique. Mariée à 15 ans au duc de Ferrare, elle meurt un an plus tard d’une mystérieuse fièvre, sans jamais avoir donné d’héritier à son Altesse Alphonse.
Dans « Le Portrait de mariage », Maggie O’Farrell s’empare de la vie de Lucrèce dont on ne sait que peu de choses. Il demeure pourtant une rumeur selon laquelle elle ne serait pas morte d’une fièvre mais empoisonnée par son époux. Comme pour son précédent roman, Maggie O’Farrell réécrit l’histoire de cette femme avec une construction narrative qui fait des allers-retours dans le temps mêlant l’enfance de Lucrèce à sa nouvelle vie d’épouse. L’intrigue prend forme et se met en place doucement au gré des humeurs changeantes du duc.
Avec son écriture délicate, son talent pour créer des ambiances d’époque, l’autrice peint un tableau d’une grande beauté, celui du destin poignant de cette jeune duchesse, une femme intelligente, à l’esprit curieux, une artiste singulière.
Conseillé par Stéphanie
Étudiants à AgroParisTech, c'est là qu'Arthur et Kevin se rencontrent, sur le désert bétonné du plateau de Saclay où leur école vient de s'installer.
Ce jour-là, Arthur hésite encore un peu à aller écouter la conférence du Professeur Marcel Combe intitulée "Avancées et défis de la géodrilologie" (la science des vers de terre). Kevin, lui, est déjà bien installé dans l'amphi et semble savoir pourquoi il est là. Ils l'ignorent encore mais une amitié exceptionnelle et une passion partagée pour les vers de terre va naître à la sortie de cette conférence.
On l'ignore souvent, mais les lombrics représentent la première biomasse animale terrestre et sont indispensables. Sans vers de terre, plus de terre, leur apprend le Professeur Marcel Combe, rappelant au passage qu'Hubert Reeves dit lui-même que la disparition du vers de terre est au moins aussi préoccupante que la fonte des glaciers.
Arthur est fils d'avocat parisien et vient d'un milieu privilégié. Kevin a grandi dans la campagne limousine, ses parents étant travailleurs agricoles. Ils sont fils uniques tous les deux. Kevin rêve de se fondre dans Paris, Arthur de cultiver son jardin. C'est donc tout naturellement que chacun prend une voie différente à la sortie de l'école mais leurs projets de vie restent liés à leur fascination pour les vers de terre.
À travers les destins et les choix de ces deux-là, Gaspard Koenig explore la complexité de notre société : écologie, sexualité, fractures de classes, cynisme du capitalisme, révolution ... Les rapports humains et le rapport à la nature sont explorés sous toutes leurs formes en poussant l'histoire jusqu'à son paroxysme (peut-être un peu trop loin ?). Qui aurait parié qu'une histoire de vers de terre puisse être passionnante?
Conseillé par Coralie, Stéphanie et Rémy
"Il n'y a point de bonheur sans courage, ni de vertu sans combat"", JJ Rousseau ("Émile, ou de De l'éducation")
"C'est un de ces lundis de janvier où l'on s'attend à ce qu'il neige, même si ce n'est plus arrivé depuis des années". Il est 7h 30 du matin, une aube grise se lève sur la rampe de l'autoroute A3 et le pont de Bondy par lequel Mo, élève de seconde, passe tous les matins pour rejoindre son lycée. C'est le cas aujourd'hui encore mais aujourd'hui ne sera pas un jour comme les autres, on le sait, on le sent.
Thomas B. Reverdy fait défiler une journée au lycée de Bondy de 7h30 à 17h, une journée qu'il découpe en périodes, au rythme des sonneries, des intercours, des AG de profs et du repas à la cantine.
À 7h35, dans le 13ème arrondissemennt de Paris, on découvre Paul. Paul est un écrivain-poète à la dérive depuis que sa compagne l'a quitté pour un joggeur pendant le confinement. Ce matin, Paul a la tête lourde mais il doit pourtant se frayer un chemin jusqu'à la douche car aujourd'hui il doit se rendre dans un lycée à Bondy, dans le 93, une prof a fait appel à lui pour qu'il anime un atelier d'écriture;
À 7h40, le long du canal de l'Ourcq, Candice est "lancée depuis Pantin comme une balle" sur son vélo. Aujourd'hui, elle accueille un écrivain dans sa classe de seconde 13.
À 7h50, sous l'autoroute, Mahdi, élève de Candice se fait passer à tabac après avoir fait une remarque à un type.
Cette bagarre est comme la flamme qui aurait allumé la bâton de dynamite. La mèche se met à brûler, elle est plus ou moins longue, mais on le sait, ça va finir par exploser. En accompagnant Mo, Candice et Paul dans cette journée, on vit avec eux des moments de gêne, de partage, de poésie, de tensions, on plonge au cœur de cet énorme établissement scolaires avec ses règles, ses codes, ses hiérarchies et toute une vie qui grouille à l’intérieur. C'est une photographie sans concession mais très humaine, et non dénuée d'humour d'un collège-lycée du 9-3. Gros coup de cœur.
Conseillé par Coralie, Marion, Rémy et Stéphanie
Avec "Sauvage", nous partons à la rencontre d'Ottavia Selvaggio (sauvage, en italien). Julia Kerninon nous fait voyager cette fois en Italie et elle nous enchante avec l'histoire de cette cheffe cuisinière. Ottavia grandit dans le restaurant tenu par son père. Très tôt, elle arrête l'école pour cuisiner à son tour et apprendre, en même temps que Cassio, qui débute auprès de son père, et qui sera celui avec lequel elle partagera cuisine et amour.
Dans sa quête d'une cuisine qui lui ressemble, Ottavia ouvrira son propre restaurant à Rome. C'est dans ce lieu qu'elle rencontrera Bensch, père de ses trois enfants, professeur d'université et critique culinaire à ses heures perdues. L'amour avec Bensch sera plus tendre qu'avec Cassio.
Dans ce lieu qu'elle habite chaque jour, la cheffe se démène pour sortir des plats sans perdre la face. Ottavia bout, elle bouillonne, tempête et foisonne, à l'image de sa cuisine. Sa vie n'est que cuisine, tablier, services et assiettes parfaites.
C'est le retour de Clem, un homme pour lequel elle a passé quelques mois à Paris qui va commencer à fissurer tout ce qu'elle pensait savoir. Des années après leur histoire, il vient lui raconter sa propre version de ce qu'ils ont vécu ensemble.
"Sauvage", c'est le roman d'une femme qui s'émancipe par la cuisine, qui reprend aux hommes ce qu'ils s'étaient approprié, c'est l'histoire délicate et si bien écrite d'une femme qui fera sa place, qu'elle qu'en soit le coût.
Conseillé par Coralie
Jean Hegland peut tout aussi bien nous entraîner au cœur d'une dystopie que dans l'œuvre de Shakespeare, elle excelle toujours à créer un univers que l'on n'a plus envie de quitter !
Avec "Rappelez-vous votre vie effrontée", on fait la connaissance de John Hubbard Wilson, professeur de littérature et spécialiste de l'œuvre de William Shakespeare. Toute sa vie, ce passionné a enseigné son amour pour les mots, les répliques et la poésie de la langue. Lorsque l'on rencontre ce personnage, il est au crépuscule de sa vie et sa mémoire s'enfuit peu à peu.
Sa femme va alors reprendre contact avec la fille de John, Miranda - prénommée ainsi d'après l'héroïne de "La Tempête" - qu'il n'a pas vue depuis des années, afin de leur permettre de renouer avant qu'il ne soit trop tard.
Au cours de ces visites régulières, Miranda se livre à cet homme qui ne la reconnaît pas toujours mais qui saura lui transmettre, souvent, émotions et répliques shakespeariennes à propos.
Tout au long du roman, Jean Hegland nous plonge tantôt dans l'histoire familiale de John et Miranda tantôt dans l'œuvre du grand dramaturge.
"Rappelez-vous votre vie effrontée" est un roman extrêmement sensible qui nous dit beaucoup sur la mémoire et la transmission, sur les souvenirs et ce que nous apporte notre amour des mots. Il faut également saluer le talent de la traduction de ce roman, effectuée par Nathalie Bru.