L’excès est la marque indélébile de Faulkner. Excès du style, euphorie alcoolique menant aux plus vastes des digressions, Faulkner ne s’impose aucune limite. "Le Bruit et la fureur" n’est pas un livre comme un autre. Les flash-back imposés par l’auteur, les allées et venues entre les dates et les personnages rendent ce monolithe relativement hermétique. Mais c’est à vrai dire la conception même de la littérature chez Faulkner. Un parfum de ring où tous les coups sont permis. On passe ainsi de la poésie pure et ciselée à un trivial obscur et boueux. C’est aussi le portrait assassin et mélancolique du Sud des États-Unis, une vision qui servira à une Carson McCullers par exemple.

Deux récits s’entremêlent. "Les palmiers sauvages" raconte l’histoire d’amour, intense et pleine de doutes, entre Harry et Charlotte. Ils parcourent les États-Unis et vivent la vie de bohème, en rupture avec la société et leurs familles. Dans "Vieux Père", deux prisonniers sont réquisitionnés pour venir en aide aux personnes sinistrées lors de la crue du Mississippi en 1927. L’atmosphère est apocalyptique, les éléments sont déchaînés et cette mission prend rapidement l’allure d’une épopée. Avec un style singulier et hypnotique, William Faulkner décrit finement la solitude et les tourments intérieurs de ses personnages. C’est une très belle histoire d’amour accompagnée de superbes descriptions de la nature.

Dixie Clay n'est pas une femme comme les autres. En pleine prohibition dans la petite ville de Hobnob, elle est en apparence la femme docile d'un mari infidèle, connu dans le coin pour son trafic d'alcool illicite. Ce que personne ne sait, c'est que Dixie Clay est la véritable "bootlegger" : c’est elle qui manie l'alambic comme personne. Malheureusement leur affaire florissante se retrouve compromise le jour où deux agents fédéraux sous couverture viennent enquêter sur la disparition de deux de leurs collègues. Le quotidien, rythmé par la contrebande et la pluie incessante, de cette femme meurtrie par la perte de son premier enfant va également basculer lorsqu'un bébé orphelin fait mystérieusement son apparition.

Larry Ott est un vieux garçon solitaire qui vit dans la maison de son enfance avec ses poules et ses livres. Silas Jones, ancien joueur de baseball dont la carrière prend fin brutalement, revient une vingtaine d’années plus tard dans le comté de sa jeunesse. Il y devient constable. Dès les premiers chapitres Silas fait la découverte de deux cadavres, ceux d’anciens camarades de classe. Le retour de Silas et la découverte des corps nous expédient dans les années 70 lorsque Larry et Silas étaient amis. Rythmé par des flash-back, ce récit est à la fois un thriller brillamment construit mais aussi un très beau roman sur l’amitié et la rédemption dans une Amérique encore durement gangrénée par le racisme.

Julien Delmaire est un écrivain et poète français, mais son roman est tellement habité par le Delta du Mississippi qu’on pourrait penser qu’il y est né. Dans les années 30 qu’il décrit, le delta est peuplé de noirs, de cajuns, de blancs, de métisses et de quelques juifs ayant fui l’Allemagne. À travers de courts chapitres, l’auteur plonge littéralement son lecteur dans une atmosphère imprégnée par les superstitions, le vaudou, l’animisme et la musique tandis que le Ku Klux Klan terrorise les gens. Au milieu de la misère, des injustices, de la jalousie et de la haine, Betty et Steve s’aiment. La chaleur moite nous écrase, la colère gronde et pourtant une grande lumière se dégage de ce roman choral dense et rythmé.