Daniel Leroy est un militant communiste très engagé. Un soir, il disparaît. Selon toute vraisemblance, il aurait été enlevé et incarcéré par la milice de Duvalier. Sa femme, Nirvah, se rend alors chez Raoul Vincent, le secrétaire d'Etat, afin de lui demander des nouvelles de son mari ou, au moins, savoir s'il est encore vivant. Cette rencontre sera le début d'une situation délicate et ambivalente pour Nirvah car elle devient la maîtresse de cet homme, qui l'adule et veut son bonheur. Jour après jour, Nirvah lutte entre la mémoire de son mari, son nouveau statut de maîtresse, sa place de mère et les idées politiques qui l'habitent.
Les rumeurs circulent rapidement à Port-au-Prince dans les années 60, et Nirvah va vite se sentir piégée, totalement dépendante de cette nouvelle relation complexe.

Après avoir fui le pays sous la dictature, Syto Cavé revient en Haïti dans les années 80. Le regard qu'il porte alors sur son pays, ses habitants et ses fractures est nourri par cet exil.
Ecrivain, metteur en scène et poète, Syto Cavé utilise tous ses talents pour offrir une myriade de personnages qui racontent une Haïti contemporaine. Au fil des récits parfois très courts - quelques lignes à peine - l'auteur utilise tantôt l'imaginaire, tantôt le fantastique et crée des univers émotionnels riches.
Dans ces textes de Syto Cavé, le sentiment amoureux est prédominant et l'éloge de l'amour est doux et sincère. Au-delà des émotions, la mémoire a elle aussi toute sa place dans ce recueil, preuve s'il en est qu'elle est essentielle.

"L’ange de charbon" raconte les ravages d’un tremblement de terre dévastateur : « Monsieur Richter ». Persuadé de faire face à un nouvel esprit vaudou, le narrateur M’Badjo Baldini « nègre errant d’origine italienne », constate les ravages subit par la ville de Port-au-Prince avec son regard de poète. Il accompagne sa réflexion de références bibliques, bouddhistes et vaudous, persuadé que cela pourrait conjurer le mauvais sort. Dans un monologue plus proche du slam et du poème que du roman, nous partons à la découverte d’une langue et d’un univers fantastique. S’il est parfois difficile de s’accrocher au texte, la lecture en vaut le détour pour tous les amoureux de poésie.

Dans les décombres de Vilasacq, Vatel, condamné à l’errance et Mac Abre, incarnation du mal, s’affrontent. Ce texte paru en 1972, est celui qui révéla cette expression de « spirale » désormais étroitement associée à Frankétienne. Michel Lebris le publia enfin en France en 2004 dans sa collection « Etonnants Voyageurs ». Car si "Ultravocale" est certes un texte difficile, il reste la matrice de toute l’œuvre de l’auteur ; il est en cela un incontournable. Il dit le vertige de l’errance alors que cette même année 1972, les premiers "boat-people" haïtien débarquaient sur le côtes de Floride pour fuir la dictature de « Baby Doc », ce sont eux les enfants d’Haïti forcés de fuit le mal et le chaos, forcés à un exil sans espoir de retour. Ce n’est ni un roman, ni un poème, ni une tragédie ni une rhapsodie, "Ultravocal" est une spirale qui va au-delà de ce que la voix peut porter, ultra-vocal.

Sous-titré, "D'un pur silence inextinguible : premier mouvement", ce texte est le premier des huit mouvements prévus et qui s’inscrivent dans le mouvement esthétique de la spirale et de l’écriture quantique chère à Frankétienne. « Je ne suis pas dans la linéarité. Je suis dans un tourbillon. C’est ça la vie. » disait-il sur les ondes de Radio France lors d’une interview. Préfacé par Rodney Saint-Eloi, ce texte est écrit dans un grand souffle. La langue de Frankétienne est furie, la langue de Frankétienne est chimie. Pour lire "Spirale", il faut se laisser envoûter, gagner par une transe de l’écriture qui vous enveloppe et vous métamorphose tel l'oiseau schizophone.