Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

17,00
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7 mai 2015

C'est un roman un peu étrange d'une femme qui végète et se laisse mourir à Paris et revit en Corse, sur les côtes du sud d'Ajaccio, à Coti-Chiavari, près du Capo di Muro. Un coin tellement bien décrit tant dans ses décors, ses paysages, ses lumières et ses senteurs qu'une envie irrésistible d'y aller naît en tout lecteur. La Corse est sublime, je le sais pour n'y être jamais allé et pour avoir beaucoup entendu, lu et vu sur cette île.

C'est un roman sur le sens de la vie, sur les raisons qui poussent chacun d'entre nous à vivre avec les autres : l'amour, l'amitié, une passion, un rêve à réaliser, ... Des vies simples mais pleines, pas de grandes ambitions ou des souhaits de notoriété, non juste vivre en harmonie avec soi-même.


C'est un roman sur l'art ou comment les sculptures qui nous viennent des l'Antiquité sont presque plus vivantes que certains hommes. Comment la volonté de créer fait (re)vivre, exister à ses yeux et à ceux d'autrui.

C'est un roman d'amour pour celui que la narratrice attend et qui ne vient pas, alors il lui faudra vivre avec d'autres qu'elle aimera itou. Moins fort ? Pas sûr, mais différemment, l'être idéalisé ne se confrontant évidemment jamais à la réalité, au quotidien.

C'est un roman bien écrit, entre humour du désespoir, mélancolie, envie malgré tout de vivre. Phrases assez courtes, des dialogues, on est dans la tête de la jeune femme qui, avant de partir en Corse se laisse solidifier pour devenir caillou. Le style est très évocateur, on voit les paysages corses, on sent les odeurs tant celle de l'humidité et de pourriture de l'appartement de Monsieur Bernard que celles des arbustes qui ornent le chemin corse qu'elle emprunte chaque jour : lentisque, myrte et figuier. Je vous le disais plus haut, ne reste plus qu'à aller vérifier tout cela sur place.

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7 mai 2015

Recueil de six nouvelles d'écrivains de Côte d'Ivoire : Régina Yaou, Venance Konan, Luriel Diallo, Awaba, Tanella Boni et Henri N'Koumo. Elles représentent la vivacité littéraire du pays.

- Le séjour d'un morceau de bois dans l'eau, de Régina Yaou : Ankrey est un jeune golden boy, ivoirien. Ses aïeux viennent d'un petit village dans lequel les traditions sont encore très fortes, comme celle qui établit le passage à l'âge adulte par des rites et l'élection d'un chef. Contre toute attente, Ankrey accède à la demande de son père de se plier à l'exercice et y trouve beaucoup de réponses et un sens à donner à sa vie. C'est une nouvelle empreinte des traditions mais également très au fait de la nouvelle vie des Ivoiriens dans la capitale. Un télescopage ou plutôt une saine cohabitation entre tradition et modernité.

- Sarko, Robert et notre président bien-aimé, de Venance Konan : Robert est le président des jeunes et le responsable du parti politique du président actuel dans le canton duquel est issu ce président. Aussi lorsque le président français vient en visite officielle en Côte d'Ivoire, Robert prépare-t-il une réception à la hauteur de l'événement. Une nouvelle drôle sur les préparatifs de cette rencontre, mais qui aborde aussi l'immigration si chère à notre ancien président, et le pouvoir toujours un peu fragile dans certains pays d'Afrique.

- Madame Rose ou la vraie vie, de Muriel Diallo : Madame Rose a fait fortune on ne sait comment. De retour au pays, elle se fait construire une maison dans l'enceinte même du cimetière, ce qui aux yeux des autres la fait passer pour une femme habitée, envoûtée. Une nouvelle plus ésotérique, liée aux croyances, aux esprits.

- Sans voie, de Awaba : Bintou est une jeune femme qui arrive au mariage vierge et assez peu au fait des choses du sexe. Elle angoisse un peu au moment de sa nuit de noces. Une nouvelle qui pourrait paraître légère et qui est tout le contraire, dure. La tradition est parfois violente.

- Un masque à visage rouge, de Tanella Boni : Goli Antin est un albinos qui veut faite de son handicap sa force, quitte mettre son intelligence au service d'escroqueries pour son profit personnel. Une nouvelle très actuelle sur un mode de criminalité très répandu en Afrique.

- La boue à grande coulée, de Henri N'Koumo : Un orage. Des pluies torrentielles. Et l'agression, le viol de cette jeune femme seule dans cette grande maison. La difficulté de porter plainte dans ce pays où les policiers ont mieux à faire que de s'occuper des filles qui se plaignent. Une nouvelle dure, une écriture rapide et envoûtante. Une histoire terrible où "aller de Charybde en Scylla" prend tout son sens.

J'ai une préférence nette pour la dernière, écrite dans une langue superbe avec de belles phrases comme : "Dehors, il continue de pleuvoir dru. Les gouttes d'eau sont pleines de muscles. Elles frappent les toitures et les murs faits de planches d'une force d'homme." (p.96) Cette nouvelle vaut à elle seule l'idée de se pencher sur ce recueil, et comme en plus les autres sont de très bonnes factures cette idée n'en est que renforcée. Avec un petit plus pour Sans voie et Le séjour d'un morceau de bois dans l'eau. Une très belle manière de découvrir -ou de confirmer- la littérature ivoirienne qui aborde des thèmes difficiles comme le poids des traditions, la place de la femme dans la société, les violences qu'elles subissent, la politique, ...

Urban comics

24,00
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7 mai 2015

Cette bande dessinée est l'adaptation du roman du même titre de Milton Hatoum, paru en 2003 aux éditions du Seuil qui existe aussi chez Actes sud/Babel. Après quelques questionnements quant à ma capacité à suivre ce roman graphique, le rythme est pris. Ce qui me pose question, ce sont des retours en arrière pas forcément expliqués, des personnages assez nombreux et pas toujours très identifiables par le trait ce qui fait qu'on se demande à qui se rapporte le fait raconté, des dessins volontairement malhabiles -ce n'est sans doute pas le terme idoine, mais c'est ce que j'ai trouvé de mieux, par exemple les murs des maisons ne sont pas toujours bien droits. Une fois le pli pris, cet album se lit avec rapidité et grand plaisir. Il s'agit d'une belle et violente histoire de famille, avec ses trahisons, ses amours, ses vengeances, ses actes impulsifs parfois regrettés intérieurement mais jamais face à la victime et donc jamais pardonnés, ... Il est rarement fait mention d'une rivalité telle au sein d'un couple de jumeaux, on lit plus souvent des pages sur la fusion entre les deux, sur la difficulté de vivre sans l'autre, sur l'amour inconditionnel... La gémellité est souvent source de belles histoires de complicité ou d'histoires plus noires, parfois terribles (cf. Manuel de dramaturgie à l'usage des assassins)... dans Deux frères, c'est littéralement à la vie à la mort.

Album en noir et blanc qui oblige à se concentrer sur les personnages et leurs vies, la couleur aurait sans doute détourné nos yeux vers les paysages brésiliens. Le dessin est tour à tour sobre ou au contraire très riche avec de nombreuses silhouettes ou des paysages denses. Le noir et blanc permet aussi d'insister sur la noirceur du propos, le côté sombre des héros et donne de la profondeur tant au paysage qu'aux protagonistes.

Atelier in8

12,00
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7 mai 2015

Ce Japonais grillés est un recueil de cinq nouvelles, noires écrites par Carlos Salem, un auteur brésilien. Elles ont en commun certains personnages, une unité de lieu, un bar et surtout l'ambiance mi-tragique mi-drôle. On pourrait aisément imaginer une mise en images par Quentin Tarantino.

- Japonais grillés : l'histoire d'un tueur à gages qui veut prendre sa retraite et laisser son second Juan prendre la suite. Il s'en ouvre à un professeur dans un bar de l'aéroport et le vin déliant la langue lui raconte comment il fait pour que la passation se déroule le mieux possible.

- Petits paquets : Poe travaille dans un atelier clandestin pour "le mec à la Ferrari" : il coupe, colle et met en forme du plastique. Il se lie d'amitié avec l'Artiste. Mais l'atelier clandestin dénombre moult accidents, membres coupés par des machines particulièrement dangereuses.

- Comme voyagent les nuages : Poe traîne dans le bar de Lola. Tous deux se tournent autour sans oser faire le premier pas. Un jour, un type maigre arrive et raconte une histoire, d'abord celle de son suicide inévitable pour lui puisqu'il vient de fêter ses quarante ans et ensuite celle d'une vie parallèle et noire dans le métro, la nuit notamment lorsqu'il est fermé au public.

- Des marguerites dans les flaques : un vieux flic alcoolique ne peut se faire à l'idée d'enterrer une enquête concernant une jeune prostituée d'à peine vingt ans, sa fille étant morte de la même façon quelques années auparavant. Il s'en ouvre au propriétaire de son bar habituel qui l'écoute, comme toujours.

- Mais c'est toi qu'elle aimait le plus : Poe, toujours dans le bar de Lola, est contacté par Cortès un ami qu'il n'a pas vu depuis longtemps, Olga l'une de leurs ex, on ne sait pas trop lequel elle aimait le plus, est menacée par son mari pour toucher une prime d'assurance. Poe et Cortès vont veiller chez elle la dernière nuit avant son élimination.

Voilà, c'est noir, c'est sombre, c'est drôle. Les codes du polar noir sont présents, la mécanique est parfaitement huilée, implacable et la chute arrive, pas forcément surprenante mais inattendue parfois. Beaucoup de dérision, Carlos Salem raconte de la fiction et il le sait, il ne tente pas de nous y faire croire, il construit ses personnages sur les bases des grands types des protagonistes du polar : alcool, filles, bar, types au bout du rouleau, désabusés. Et c'est excellent de se retrouver dans ces nouvelles, je le disais plus haut, c'est un peu comme regarder des courts-métrages de Quentin Tarantino (du genre de Pulp Fiction, celui que je préfère sans doute), et ça fonctionne admirablement bien.

Rabbaj, My Seddik

Serpent à Plumes

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7 mai 2015

Ça commence comme une histoire terrible, une guerre entre deux clans, l'extermination de l'un par l'autre et la fuite de Yahya l'adolescent et de sa famille, son père étant resté combattre ; ça continue comme un conte des milles et une nuits, Yahya et sa famille rencontrant enfin un monde de paix où tout le monde vit en apparente harmonie. Et puis, petit à petit, le lecteur prend conscience que ce monde régit par le Cheikh est une sorte de dictature religieuse : tout est dominé par le Coran et son interprétation par le maître des lieux. Yahya réussit à se hisser dans la garde rapprochée du Cheikh grâce à sa stature et son talent mettant ainsi sa famille à l'abri, fort heureusement pour eux, les noirs n'étant pas bien vus dans le pays. D'ailleurs, Yahya faisant preuve d'une bravoure sans pareille pendant les combats est surnommé par ses adversaires, le diable noir, ils le pensent réellement envoûté. Tout est sous le joug du Cheikh et de la religion, le roman est rythmé par les prières, les prêches du Cheikh (ils sont mentionnés, mais My Seddik Rabbaj nous en épargne la plus grande partie ne citant que quelques passages marquants).

Un très beau roman d'aventures, un roman d'initiation et d'amour qui demande une lecture assez lente pour ne rien en perdre. My Seddik Rabbaj a une écriture qui fait ressortir les odeurs, les couleurs et les sons. A ce propos, le quatrième chapitre consacré au moussem est absolument magnifique. Le moussem est au Maghreb, une fête régionale religieuse qui associe la prière, le commerce et des épreuves : la lutte pour celui de La Zaouya (lieu dans lequel vit Yahya) et un spectacle avec les prouesses de chaque tribu présente. L'auteur décrit toutes les tribus, leurs couleurs de vêtements, leurs particularités physiques et les épreuves qu'elles présentent toutes plus fantastiques les unes que les autres. Tout est tellement beau et fort que Yahya tarde à se rendre compte de la main mise du Cheikh ; il faudra qu'il tombe amoureux pour que ses yeux s'ouvrent.

Un roman qui traite des thèmes difficiles du racisme et de l'intégrisme religieux par un biais original et qui s'intéresse à ses héros, des petites gens qui n'aspirent qu'à vivre tranquillement et en parfaite harmonie avec les autres. On pourrait presque tomber dans le panneau de cette vie idéale chez le Cheikh, cette sorte d'utopie où tout le monde semble heureux et épanoui, mais My Seddiik Rebbaj sait avec habileté mettre dans son récit toutes les traces de l'intolérance, de la domination et de la soumission.

Le serpent à plumes renaît avec entre autres cet ouvrage, soutenu par les éditions de l'Aube, une bien belle manière de renaître.