Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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12 février 2015

J'ai découvert Mazarine Pingeot assez tardivement avec Les invasions quotidiennes. Oh, bien sûr comme quasiment tous les Français, je la connaissais de nom voire de visage avant même de savoir ce qu'elle avait écrit, avant même de savoir qu'elle écrivait. Les remarques à l'époque de la révélation de son existence par Paris Match, puis celles qui ont suivi l'enterrement de François Mitterrand m'apparurent alors déplacées pour beaucoup d'entre elles voire injurieuses. J'avais -et j'ai toujours- une admiration pour cet homme, son parcours sinueux mais oh combien romanesque.

Notre dernier grand Président (en mettant dans la balance les choses faites et les non-faites), depuis, on se trimballe quand même quelques brèles... et les deux derniers sont vraiment au-delà de toute espérance dans le domaine de l'incompétence. Bon, bref, revenons à Mazarine qui écrit à son futur enfant. Passé la gymnastique intellectuelle pour bien intégrer que le "tu" du livre est ce futur bébé, eh bien, je dois dire que j'ai aimé ce récit. Elle raconte son père et non pas l'homme politique qu'il était, d'ailleurs, petite, elle peine à le reconnaître lorsqu'il passe à la télé. Des souvenirs éparpillés, des soirées de jeux, des sorties au restaurant -à l'époque un président pouvait sortir avec une femme autre que la sienne et même une enfant sans qu'on glose sur sa sécurité et sur sa vie privée, je ne suis pas certain que notre époque ait beaucoup évolué, on régresse... Les moments que Mazarine passent avec son père sont les mêmes que ceux de beaucoup d'enfants, on en oublie parfois de qui il est question. Elle raconte son enfance, son adolescence, ses années de vie protégées des médias.

Puis d'un coup c'est le grand changement, des photos sur Paris Match et c'est l'emballement. Puis quelques temps après c'est le décès de François Mitterrand et Mazarine -on peut se passer de citer son nom de famille tellement son prénom est "identifiable"- tentera de relier ce qu'elle sait de son père en tant que tel et ce qu'elle connaît et/ou apprend de François Mitterrand-homme politique-Président de la République. Elle dit aussi tout ce qu'elle aurait aimé réaliser et montrer à son père. Par exemple, il ne connaîtra jamais ses enfants, un des regrets que je peux partager avec elle -mon papa militait au PS et admirait le sien-, mais aussi plein de choses de la vie qui continue sans eux.

J'ai une préférence pour la première partie, celle des souvenirs, la seconde contient plus de questionnements, légitimes certes, mais qui me parlent moins. Écriture accessible, assez légère malgré le thème, c'est un récit à découvrir pour qui ne connaît pas encore l'œuvre de Mazarine Pingeot.

Voir ou revoir pour prolonger, le très bon film de Robert Guédiguian avec Michel Bouquet, Le promeneur du Champ de Mars.

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12 février 2015

Ce roman est une libre inspiration de la vie de Gil Scott-Heron, un des musiciens noirs les plus importants des ces dernières années. Il a emprunté au jazz au blues, a planté les premières graines du rap et du slam, et pourtant, comme beaucoup, je ne le connaissais pas. Enfin, ça c'est ce que je pensais avant d'ouvrir le livre et de faire des recherches sur Gil Scott-Heron. Et là, je découvre que je connais au moins deux titres : The bottle et Me and the devil. Et ces deux titres sont tellement excellents que je vais continuer à découvrir l'œuvre de cet homme.

Le roman est malicieusement construit. Le narrateur, ce vieux chat roux est un raconteur d'histoire hors pair qui n'oublie pas de raconter ses propres mésaventures, qui ressemblent à celles de beaucoup d'Etats-uniens pauvres. Très attaché à Sammy, il le suit partout : "Un jour, après une course-poursuite mémorable, à bout de souffle, il m'a confié que je suis sa lune. Je lui ai rétorqué qu'il est mon soleil. Nous avons éclaté de rire. Un rire franc et massif, sous les yeux des passants ahuris. (...) Je peux vous garantir que pas une fois je ne l'ai quitté d'une semelle car le soleil n'est rien sans la lune, et la lune rien sans le soleil". (p.31) Parfois, il s'éloigne de son soleil pour raconter ses aïeux : le père Reginald Kamau, Jamaïcain débarqué aux Etats-Unis, qui deviendra joueur de football, sera le premier joueur noir à évoluer en Écosse, puis finira sa carrière sportive au Brésil. Les pages consacrées au Brésil et à l'Afrique qui y a laissé son empreinte surtout dans certaines régions sont sublimes : poétiques, musicales, sensuelles, ... Il parlera aussi un peu de la mère de Sammy et beaucoup de Lily, sa grand-mère, celle qui l'a élevé les douze premières années de sa vie, cette femme née en Afrique et arrivée en Amérique, qui fut de toutes les campagnes menées par les noirs américains pour les droits civiques. Des pages aussi sur l'esclavage, pour bien redire que les noirs n'ont pas demandé à être envoyés en Europe ou en Amérique.

Mais bien sûr le livre s'attarde sur Sammy Kamau-Williams, nous donne envie de (re)découvrir sa musique. Sans faire une biographie complète, détaillée et linéaire, il insiste sur des points importants, des concerts mémorables, des morceaux qui ont marqué l'histoire de la musique, des descentes aux enfers, des passages à vide, de sa voix profonde, et toujours cette lumière qui émane de Gil Scott-Heron et qui illumine le roman. Normal me direz-vous pour un soleil.

Monsieur Toussaint Louverture

21,90
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12 février 2015

Je vais me mettre à dos tous ceux qui ont lu ce livre tant je lis d'éloges dessus : une note de plus de 4/5 sur Babelio pour presque 50 votes ! Moins de notes mais 4,9 pour Libfly. Faites-vous plaisir, agonissez-moi d'invectives. Faites-moi souffrir comme dit M. Mais que voulez-vous on ne se refait pas, je ne suis pas fait pour les livres qui font l'unanimité (je dois préciser ici que je n'ai regardé les avis postés sur ces sites qu'après avoir été déçu par le bouquin, ils n'ont donc pas influencé ma lecture vers une posture anti-livre-dit-culte).

Il est vrai que je ne suis pas a priori fan du genre roman initiatique dont le héros est un adolescent, ni même de littérature états-unienne, mais lorsqu'on m'a conseillé de le lire, je l'ai fait surtout parce que l'objet est très beau : couverture cartonnée, sobre, écrite en rouge et en relief, "imprimé[e] en offset , puis cogné[e] typographiquement pour lui apprendre un peu la vie" (p.544) jusque sur la tranche, et aussi parce que depuis longtemps, j'avais envie de lire un livre de cet éditeur.

Si le contenant me sied, le contenu me déçoit assez vite : style très oral, très dialogué -pas forcément ce que je préfère les dialogues à profusion, parfois, ça allège le propos, d'autre fois ça masque un manque de style ou de profondeur-, bref rien de très original, déjà lu cent fois par d'autres auteurs états-uniens en particulier, histoire qui n'avance pas, personnages un brin palots... Alors on pourra m'objecter que ce roman est justement celui de la normalité, des émois et des amours adolescents, qu'il touche juste et que chacun pourra se reconnaître ou du moins se rappeler sa période ado en le lisant. Mmouais, je ne suis pas convaincu, je reste vraiment sur ma faim. Disons que j'ai déjà lu des textes ressemblants qui ne m'ont pas emballé plus que ça non plus. On pourra alors me dire -décidément,"on" intervient beaucoup dans cette chronique, ça ne me plaît point trop, c'est quand même mon blog, non mais...-que celui-ci a été écrit avant (en 1982). Certes, mais moi, je ne le lis que maintenant et je ne trouve pas qu'il apporte du nouveau à la littérature. Néanmoins, dans ma grande bonté, je veux bien reconnaître que ce livre peut plaire à beaucoup de lecteurs qui s'y reconnaîtront, qui s'identifieront à Daniel et qui auront du plaisir à aller au bout des -longues et lentes- 537 pages.

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1 février 2015

Le titre est je n'en doute pas -mais peut-être me trompé-je ?- une référence ou un hommage aux Dix petits nègres d'Agatha Christie, tant sa construction y ressemble en certains points, mais pas tous, et je ne vous dirai pas lesquels pour ne pas vous en dire trop. Vous garderez ainsi toute l'intensité du suspense de cet excellent roman noir ou thriller, j'avoue que je sais pas bien faire la différence. Le principal étant qu'une fois ouvert, vous risquez de ne plus pouvoir lâcher le bouquin !


Ça commence assez fort avec le rituel du sacrifice effectué par Mathias et l'on est tout de suite plongé dans une atmosphère totalement paradoxale de réalité et de légendes qui persévèrera jusqu'au bout, jusqu'à l'ultime ligne. Mathias, c'est le sorcier, le côté irréel et magique du roman. Lou c'est le côté très prosaïque, les pieds bien sur terre. Le contraste fonctionne bien puisque Sandrine Collette a fait de ces deux personnages les deux narrateurs qui se répondent en quelque sorte par chapitre alterné. Quand se rejoindront-ils, puisque le genre veut qu'ils se rejoignent, c'est une autre partie du suspense que je ne dévoilerai évidemment pas ?

Du côté de Lou et Elias, le début est plus lent, ils se mettent en route, font connaissance des autres participants (Marc, Étienne, Arielle et Lucas) et du guide Vigan mais lentement et sûrement la situation de stress et d'angoisse s'installe, inexorable, elle ne baissera plus.

Bien écrit, sans fioriture mais avec de belles tournures, le choix des bons mots et leur place dans la phrase, ça se joue à rien parfois, juste une inversion, qui change la beauté du texte, un détail qui me plaît : "Peut-être la lucidité retrouvée avec un peu de repos, qui me rappelle que ma victoire est éphémère, et amer l'avenir." (p.189) ; bien que les deux narrateurs racontent leur histoire sur ces quelques jours, le langage n'est pas trop oral, Sandrine Collette bâtit son texte solidement sans céder à la facilité que l'on trouve parfois dans ce genre de littérature.

Et puis outre le suspense, un excellent bon point pour l'auteure qui décrit à merveille les somptueux paysages, la neige qui les recouvre, le froid qui s'infiltre et un second pour ses personnages. On les voit évoluer au long des épreuves qu'ils traversent, ils alternent les bons sentiments avec l'instinct de survie, l'altruisme avec l'égoïsme ; les événements les changent et le lecteur les voit changer à quasiment toutes les pages. Du très bon travail et de la très bonne lecture pour se faire un peu peur (même si l'image de Jean-Claude Duss, des Bronzés, seul la nuit en pleine montagne et chantant "Quand te reverrai-je pays merveilleux ?" m'est plusieurs fois venue à l'esprit, sans doute pour me détendre un peu)

Excellent thriller qui risque bien de vous dégouter des trekkings intenses, moi perso ce sont deux mots dont je n'use que pour ce billet, très loin de mes us et coutumes habituels.

Christophe Lucquin éditeur

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1 février 2015

Un lien très fort unit Michel et son père. Des gestes tendres, des baisers, des moments partagés, complices. Ces souvenirs sont ceux d'un homme d'une quarantaine d'années bien entamée lorsqu'il les évoque. C'est sa jeunesse dans les années 60 ou 70, la Simca Aronde familiale est là en repère. On mesure alors que la relation entre le père et le fils était très forte, parce qu'à l'époque, les papas étaient peu présents, pour beaucoup travaillant à l'extérieur et laissant la gestion de la maisonnée à la maman, s'extériorisaient peu et laissaient peu de place aux effusions et embrassades.

Pour beaucoup de lecteurs de ma génération -voire celle d'avant- ces souvenirs en appelleront de plus personnels quoique finalement très partagés, comme celui-ci : "Mon père aimait fumer. Sur le trajet, invariablement, il allumait une Gauloise à l'aide de cette chose ronde dissimulée sous le tableau de bord et sur laquelle il fallait appuyer. La fumée qui emplissait le petit espace me rendait très vite malade, entraînant chez moi de sévères nausées." (p.29). Les variantes pour moi, ce sont les marques : la voiture était une citroën -avec les suspensions qui faisaient déjà mal au cœur même sans cigarette- et les cigarettes de mon père étaient des JOB -putain, ça grattait, rien qu'à l'odeur...

D'autres images en commun, comme la dernière du père -heureusement pour moi beaucoup plus tard dans ma vie, à 27 ans- : "Je ne verrai pas mon père sur son lit mortuaire, j'ai tant de belles images de lui en tête. Je ne veux pas de celle-là." (p.99)

Très jolie chronique de Philippe Vourch. Tendre, sensible. Une écriture simple qui colle à la vie de Michel et de sa famille. L'exercice de parler du père absent peut être casse-gueule, on peut tomber très vite dans du larmoyant, écueil qu'évite Philippe Vourch. Il y a bien sûr des regrets comme celui de n'avoir pas pu accompagner le mourant plus longtemps : "Mon père est parti seul, dans une chambre d'hôpital aseptisée, au son d'un bip de machine." (p.101), mais l'ensemble est beau, poétique parfois. Court roman qui va à l'essentiel par des images fortes, qui évite le superflu et tant mieux. Pourquoi se cogner un gros bouquin de souvenirs qui se répètent alors que quelques scènes fortes bien racontées marquent plus ? Un peu comme quand on regarde une vidéo longue et qu'on s'ennuie au bout d'une heure -voire avant- alors qu'un résumé de quelques minutes avec les grands moments aurait marqué plus.

L'éditeur Christophe Lucquin fait souvent dans le décalé, le déjanté, il sait aussi repérer des textes délicats, fins, ancrés dans la réalité. Et toujours ces belles mise en page et présentation.