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roman

Héloïse d'Ormesson

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21 avril 2013

Je dois les attirer, ou ce sont eux qui m'attirent, toujours est-il qu'un roman d'enquête familiale, sur fond bien sûr de secret de famille, m'est encore tombé entre les mains. Mais pas tombé des mains, ce n'est pas du tout le cas !
La quête de Frédérique au sujet de son père Vittorio, ancien combattant d'Indochine, part d'une photographie où il tient la main d'une femme qui lui est inconnue. Au dos de la photo, le cachet d'une agence de détectives la ramène dans la ville de son enfance où elle espère en connaître davantage sur la part d'ombre (qu'on me pardonne cette expression à la mode) de son père.


Le style agréable, la construction en forme de puzzle qui alterne les époques et les personnages, font qu'on se laisse bien emporter par la recherche de Frédérique. Sa vie personnelle et amoureuse m'a un peu moins emballée, les dialogues en particulier m'ont semblé manquer de naturel. Je précise que cela n'a rien à voir avec le fait que Frédérique préfère les femmes, par les temps qui courent, ça m'ennuierait qu'on m'imagine dans le camp des intolérants... Dans les rues de Gênes, la ville des fantômes, la jeune femme va sans doute trouver l'explication qui lui permettra de commencer vraiment à vivre sa vie, tant on a l'impression que l'épisode inconnu, trouvant ses origines en Indochine, l'empêche de progresser, d'enfin être elle-même.
On sent dans ce roman un vrai questionnement, une vérité, une honnêteté entre les lignes qui effacent quelques petites maladresses, pour laisser une très bonne impression.

18,50
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22 septembre 2012

Culpabilité

Il s'appelle Darin Strauss, et a ressenti à trente-six ans le besoin d'écrire sur un événement dramatique survenu l'année de ses dix-huit ans. A quelques semaines de son examen final et du choix de son université, il se rend avec des amis au minigolf, lorsqu'il ne peut éviter une cycliste, jeune fille de son lycée, qui coupe inopinément les deux voies de la route. La jeune fille meurt et le jeune Darin, bien qu'aucunement mis en cause, a l'impression de cesser de vivre aussi, même s'il se rend aux obsèques, s'oblige à rendre visite aux parents de Celine, entre à l'université, vit la vie d'un jeune de son âge. Le regard des autres, ou même l'absence de ce regard, la pensée quais continuelle de ce que Celine aurait pu et aurait dû vivre, l'obsèdent.


Darin Strauss a d'abord écrit d'autres livres puis cette autofiction, si douloureuse soit-elle, s'est imposée à lui, lorsqu'il a atteint le double de l'âge que Celine aurait à jamais. Le thème de la culpabilité, analysée de l'intérieur, la mémoire et ses rappels constants les réminiscences inattendues venues en cours d'écriture (Darin Strauss pensait écrire cinquante pages, il en a écrit quatre fois plus), la transformation de la personnalité, la menace d'un procès, tout ceci forme la trame d'un témoignage jamais larmoyant, mais indispensable autant à l'écrivain qu'au lecteur.

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15 septembre 2012

Un très beau roman !

Dans ce roman de la rentrée, la décennie 1968-1978 est vue du côté de la Franche-Comté, par une toute jeune fille. De ses dix-huit ans où elle laisse tomber ses études, pour se marier, enceinte d'un garçon rencontré lors d'une sortie du samedi soir à vingt-huit ans... Le mariage, l'installation dans la maison des beaux-parents, les bébés dont il faut s'occuper, et puis l'usine, le HLM à Vesoul, l'envie de passer des vacances à la mer, de voir enfin la grande bleue...


C'est surtout de la condition féminine qu'il s'agit, de la "libération" de la femme du côté de la campagne française. Au-delà d'une fresque frappante des années 70, on entre de plein pied dans le monde ouvrier de cette décennie : Peugeot, Lip, Myrys, comme autant de balises dans un récit très poétique. « Marie voudrait tout avaler. Les biscuits trempés de café. Le petit garçon qui pleure dans son berceau. Les doigts de sa fille couverts de purée. Le robinet qui fuit dans son dos. Tout avaler et grosse de tout s'assoupir, sans prendre même le temps d'aller jusqu'au lit, s'endormir d'une masse, les bras croisés sur la table. »
C'est le coup de maître de Nathalie Démoulin, d'avoir trouvé une manière aussi poétique de rendre compte d'un destin somme toute morne et balisé d'avance, d'avoir su toucher la lectrice que je suis, avec une histoire de gens simples dont les rêves, les aspirations et les chagrins ne sont pas moins grands que ceux de leur chefs ou de leurs patrons. J'ai été un peu déroutée au début par la forme, avant d'être complètement emportée. Des phrases courtes, très sensuelles, alternant le « elle » avec un « on » plus générique, dessinent Marie, sa famille, ses amis et collègues, avec une netteté extraordinaire. J'espère, que dis-je, je suis sûre que ce texte ne passera pas inaperçu parmi les nouveautés si nombreuses, car il mérite un très bel accueil !

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6 décembre 2011

Pourtant, le sujet me paraissait des plus intéressants, le conflit entre Turcs et Arméniens en 1909, avec l'issue dramatique que l'on connaît pour les Arméniens. le parti de situer le récit dans le cadre d'une petite ville, où les deux communautés vivent tant bien que mal côte à côte, me plaisait aussi. Des chapitres courts, avec différents narrateurs, cela était encore tout à fait pour me plaire.
Hélas, je n'ai pas du tout adhéré au style très poétique de l'auteur, aux nombreuses questions qui parsèment les témoignages, au changement de narration, au manque de dialogues identifiés. L'auteur passe du "tu" au "il", puis au "on", ce qui m'a perdue assez vite. Les personnages sont nombreux, mais manquent de chair, un trait rapide suffit à les décrire. J'ai aimé par contre quelques paysages, qui bien que décrit en peu de mots, prenaient aussitôt du relief : Des pistachiers verts, gris et bruns ponctuaient à intervalles irréguliers les artères principales des quartiers arméniens. Mais je me suis rendue compte au bout d'un moment que je ne retenais rien de ce qui se passait dans le livre, que je lisais pour en retenir seulement quelques images comme celle que je viens de vous recopier là... J'ai donc déclaré forfait, mais je vous assure, seulement après avoir plusieurs fois essayé de reprendre le fil.
La rencontre est manquée, mais je pense que ce livre pourrait plaire à d'autres plus férus de poésie que moi...

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3 juin 2011

L'empire d'un homme

Cela commence comme une chronique villageoise dans les années 1920 en Espagne : des riches propriétaires, des paysans et des bergers, un instituteur, un curé, une femme considérée comme une sorcière, des enfants jouissant de pas mal de liberté…

Cette communauté n’est pas si soudée que cela, car les élections approchent, et chacun des prétendants essaye de mettre à son profit les évènements qui surviennent dans le village. L’histoire est racontée par un jeune garçon qui se voit convié à une partie de chasse un peu particulière, puisqu’il s’agit de retrouver un homme, sauvage et en haillons, qui a été aperçu sur les terres de la commune. Don Ricardo, qui mène la chasse, s’obstine à penser que cet homme doit forcément être coupable d’un crime, puisqu’il se cache. Le père du jeune garçon est heureusement plus prompt à tenter de comprendre ce qui a amené cet homme à survivre ainsi, seul dans une montagne aride. Pratiquement muet, il est ramené au village, puis reconnu : Sabino avait disparu quinze années auparavant et été déclaré mort. Deux journaliers, les dernières personnes à le voir vivant, avaient même reconnu son meurtre. En retraçant tout les détails de cette affaire, Ramon Sender fait un roman d’une enquête journalistique, puisque les faits ont vraiment eu lieu. Le roman est d’ailleurs suivi des articles du quotidien El Sol de mars 1926, très intéressants à parcourir, même si j’ai largement préféré la version roman.

J’ai découvert Ramon Sender dans une librairie, j’avais été très tentée d’acheter Requiem pour un paysan espagnol, et cela ne s’est pas fait, mais grâce à Dialogues Croisés, je me rattrape et j’en suis ravie ! Je continuerai la découverte de cet auteur d’une soixantaine de romans, dont seulement quelques uns sont traduits en français, je devrai me contenter de ceux-là… De plus, les éditions Attila ont fait un magnifique travail de maquette et commandé des illustrations à la plume, qui ajoutent une touche fantastique au roman. Pas de réalisme magique pourtant, le récit reste très ancré dans le quotidien le plus réel, même si les faits sortent de l’ordinaire. La dénonciation du système judiciaire de l’époque est très bien menée et on ne s’ennuie pas un seul instant. Je vous invite vivement à découvrir Ramon Sender, avec ce titre ou l’un des autres parus.

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