Chronique
Il était une fois deux jeunes mariés, en Asie Centrale. Amir du clan Hargal, 20 ans, est promise à Karluk du clan Eyhon, 12 ans. Les mariages arrangés sont la règle et Amir découvre son jeune époux le jour de leurs noces.
Une nouvelle vie commence. La belle nomade, chasseuse accomplie, découvre une existence sédentaire très différente. Sa nouvelle famille est accueillante et s’émerveille devant ses nombreux talents. Son jeune mari est gentil mais assez timide. Heureusement,une mission dans la toundra va rapprocher ce nouveau couple. Des sentiments affleurent…
Malheureusement, pendant leur absence, le frère aîné d’Amir vient au village et veut récupérer la jeune femme. En effet, « tant qu’aucun héritier n’est né, l’union n’est pas scellée » et sa famille réserve désormais à Amir un mariage plus avantageux avec un puissant voisin.
Balkish, la grand-mère de Karluk, chasse ces importuns et les menace ouvertement. Car Amir est désormais un membre de sa famille et elle la protégera comme la prunelle de ses yeux. La guerre est déclarée entre les deux clans …
De retour au village, les deux tourtereaux ne se doutent de rien et personne ne touche mot de l’incident. C’est alors que Karluk, victime d’un coup de froid lors de leur escapade, tombe malade. Amir, épouse aimante et inquiète, veillera sur lui jour et nuit.
Ce premier tome de Bride Stories, est empreint d’une fraîcheur et d’une vision toute particulière du monde caucasien. Les personnages de ce manga sont touchants et pétillants. Grâce à Kaoru Mori, nous les suivons dans leur quotidien à la fois rude et poétique. Cette fresque épique au cœur de la route de la Soie, tout à fait hors norme, a reçu le « prix intergénérations » à Angoulême cette année.
Mag
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Chronique
Saint-Nazaire, été 1915: Le Maine, paquebot transatlantique, va lever l’ancre. Parmi les passagers qui embarquent en première classe, une belle métisse sous une ombrelle. Luxe, calme… Pourtant l’Europe est en guerre. Du côté de Gibraltar, un des carrefours du monde et de ses trafics, les armes sont l’objet de convoitises meurtrières. Représentées par archétypes – certains attendus comme cet officier britannique arrogant à la chasse aux Turcs, d’autres moins dans le contexte (un zapatiste aussi ordurier qu’adipeux, un jeune indien au profil de « bon sauvage ») – les nationalités se croisent, se toisent, se haïssent, finissent souvent par s’entretuer, mais en tout cas ne se mélangent pas.
Un lien secret unit pourtant Liro Tana, capitaine rimbaldien d’un cargo norvégien chargé d’armes, et cette jeune métisse qui embarque pour l’Amérique. Ce lien passe naturellement par la mer, dernier espace de liberté et d’aventures, selon le poncif.
On lève l’ancre grâce à l’encrage: peu de mots, des lignes épurées, parfois pas de ligne du tout à l’horizon – un navire et son panache de fumée dessinés en quelques tracés élégants, suspendus alors comme en apesanteur, pas plus de traits qu’il ne faut dans les visages. Aplats de couleurs tranchées mis à part, l’initiateur de ce style est Hugo Pratt (dont les personnages sont quand même plus bavards), mais on pense aussi à Mathurin Méheut, maître breton du croquis qui connut les tranchées.
Priorité à l’efficacité expressive et la fluidité. La figuration narrative ou documentaire dérive ainsi vers un songe abstrait. Une réussite.
Malo
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Chronique
Il faut beaucoup de sang pour huiler les rouages du monde et faire remonter chaque jour le dieu-soleil au firmament. C’est ce qu’explique à Tana l’indien Cinco Yax, préposé à ses injections de morphine. Cette cosmogonie primitive propose ainsi une autre vision de la guerre, qui a plongé le capitaine du Saroya dans un cauchemar permanent.
Le navire, dont les cales sont supposées receler des armes pour la révolution mexicaine, doit affronter les montagnes d’eau de l’Atlantique déchaîné. Pendant ce temps, sur le même océan mais plus au nord, Aubeyre, la belle métisse, profite d’une traversée plus paisible sur le paquebot Maine, relit le livre que Tana lui a adressé et suit son injonction: elle répond par un rire empli d’insouciance et de liberté à l’offense qui lui est faite lors du bal du commandant par un Bostonien trop bon teint.
A travers Aubeyre et le Mexique, les Chroniques Outremers explorent les relations entre deux mondes, Europe et Amérique, que l’Atlantique sépare et relie à la fois. Tome médian de la série, l’album qui raconte sa traversée est dominé par des couleurs tranchées : le gris-bleu plombé des ciels de tempête ou d’orage et le jaune cuivré des torpeurs tropicales. Il s’achève lorsque le Saroya s’engage sur un fleuve pour pénétrer dans le pays où réside le fin mot de l’histoire. Épilogue prévu avant la fin de l’année.
Malo
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Aâma
Tome 1 : L'odeur de la poussière chaude
L'odeur de la poussière chaude
1
De Frederik Peeters
Gallimard Jeunesse
Chronique
Un homme allongé de tout son corps au sommet d’un volcan, cerné par la lave, pleure. Il tente de se lever, hagard, essaie de comprendre où il se trouve, pourquoi il est là, et même qui il est. Une vision d’enfant, des lunettes, des livres et puis… et puis plus rien… le vide. Plus rien jusqu’à l’apparition d’un étrange personnage, sorte de singe-robot.
Vous voilà plongés, chers lecteurs, dans Aâma, la nouvelle œuvre de science fiction de Frederik Peeters, qui n’en est point à son coup d’essai puisque les Pilules bleues, Lupus, RG, et autres Pachyderme avaient conquis les lecteurs des années 2000. De nombreuses nominations au festival d’Angoulême attestent d’ailleurs du succès impressionnant du jeune Suisse.
Dans ce premier tome, intitulé « L’odeur de la poussière chaude », l’imagination de l’artiste semble infinie. Parties de la découverte d’un gorille en plastique, vieux jouet poussiéreux égaré au fond d’un grenier, les idées de Peeters s’enchaînent. Le rythme de l’histoire est haletant : on ne peut s’empêcher de retenir son souffle du début à la fin et de tourner machinalement les pages avec l’envie d’en savoir plus.
Frederik Peeters a changé ses habitudes de création en passant sur du format A2 pour réaliser les planches d’Aâma et ça se voit ! Son travail minutieux et précis à l’encre de chine permet au dessin de prendre de l’ampleur. Les détails fourmillent. Les différents angles de vue font de Peeters un véritable metteur en scène et les jeux de regards – toujours sombres et si intenses – , les couleurs chaudes, ou les paysages quasi désertiques mettent en exergue les personnages. On se prend alors à rêver d’accompagner Verloc Nim, le héros désabusé de cette fresque SF, déambulant dans ce monde intriguant et tellement fascinant, à la recherche de son identité. Mais voilà que déjà notre esprit déraille en même temps que le sien, que nous perdons tous nos repères, que la magie opère… Le suspense est juste insoutenable. La quête d’Aâma, substance perdue sur une petite planète aux confins de la galaxie prendra t-elle le dessus sur la quête existentielle ? Ou va-t-elle de paire avec cette dernière ? À moins qu’elle ne soit la réponse à tout… Que de questions à la fin de ce premier tome !
Le deuxième tome de la série Aâma est prévu pour Septembre 2012. D’ici là, Peeters a pensé à vous, amis lecteurs, avec un blog où vous trouverez toutes ses recherches, croquis et autres idées. Bonne lecture à tous !!!
Niko
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La légende d'Horacio d'Alba / La République du point d'honneur
1
De Jérôme Le Gris, Nicolas Siner
12 Bis
Chronique
Italie du Nord, XVIIème siècle. Une sœur du couvent Santa Maria Del Monte nous livre ses mémoires…
Contre toute attente, les guerres ont cessé. Une société nouvelle est née, où tout conflit est réglé à l’aide de duellistes. Deux Académies forment ces bretteurs professionnels, à l’honneur irréprochable. Les mémoires de la religieuse parlent d’un des plus grands d’entre eux : Horacio d’Alba.
Le sénateur Rembrandt, guidé par la noble ambition de fonder une justice basée sur l’égalité des droits, veut toutefois abolir les duels. Il va recevoir un soutien inattendu, en la personne du fils même d’Horacio d’Alba. Pour garder le suspens et la surprise du lecteur, les motivations de la progéniture d’Horacio sont tues. Elles sont cependant légitimes et dénuées de haine.
L’académie de la Démocrate, que sert Horacio, et celle de la Timocrate vont mettre leurs intérêts de côté. Avec pour projet d’assassiner le sénateur Rembrandt !
Le jeu des manigances se met en route. Comme vous vous en doutez, l’Eglise n’est pas en reste.
Le sénateur est-il taillé pour le combat qu’il mène ? A-t-il réellement mesuré les enjeux de cette rude bataille qu’il va devoir livrer ? Ses valeurs humaines et humanistes ne l’ont-elles pas rendu trop tendre et naïf ?
Le scénario enlevé de Le Gris est admirablement bien servi par le dessin de Nicolas Siner. Les expressions et sentiments des personnages sont retranscrits à travers les traits détaillés des visages. J’ai particulièrement apprécié la colorisation, sobre et juste, qui donne encore plus de consistance à ce récit.
Zahou.
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