Trust possède tout de la grande fresque dynastique, brossant le portrait d’une famille new yorkaise régnant sur la finance florissante et avec en son centre le génie qui fera culminer leur fortune. Mais le récit sème le trouble, semblant se répéter, faisant éclore une autre version de l’histoire. C’est que vous êtes dans un roman énigmatique qui vous dévoile les arcanes d’un pouvoir plus obscur que l’argent dont il se sert. Les puissants ont un pouvoir ultime, celui de faire advenir une vérité, un récit que chacun devra croire. L’auteur nous embarque dans un grand roman moraliste à l’américaine. Magistral.

Que font tous ces jeunes gens le dos courbé sur leurs ordinateurs des heures et des jours durant ? Nathalie Azoulai enquête sur cette jeunesse captée par le codage, ce nouveau langage véritablement universel. Pour le comprendre elle entreprend de s’initier à l’écriture du code, à en connaître la généalogie. Ses pensées oscillent entre angoisse et fascination pour cette langue du futur. Que vaut désormais la littérature, ce langage intraduisible dans l’absolu, face au code informatique et sa redoutable efficacité ? L’auteure se décrit, non sans humour, pataugeant dans cette modernité qui lui échappe et qu’elle tente de saisir. Un roman sur soi avec lequel on chemine d’une génération à l’autre et qui interroge avec une passion surprenante notre avenir.

Qui d’autres que Régis Jauffret pour s’aventurer dans le portrait de la mère d’Adolf Hitler ou plus précisément dans la peinture des jeunes années de cette femme jusqu’à la naissance de celui qui deviendra l’incarnation du mal au XXème siècle. Vous ne lirez pas ici un roman historique, une explication à l’impensable, ou un essai de la généalogie du crime. Régis Jauffret dévoile à travers cette femme une époque obscure, profondément inégalitaire et superstitieuse. Dans une langue magnifique, il nous raconte qu’il n’y a pas de justice pour cette femme, cernée par la violence toute sa vie durant, et qui ne rencontrera pas de rédemption dans la maternité.

Des territoires de l’enfance aux espaces de l’émancipation, Laure Murat arpente, traverse le paysage imaginaire de la Recherche comme une révélation personnelle et littéraire, un bréviaire où est tracé un chemin de liberté.
L’autrice lit Proust sous le prisme familial pour s’en détacher et sous l’angle intime pour vivre sa préférence pour les femmes. Cela donne une lecture non académique mais érudite à bien des égards, incarnée et vivifiante. Par là, elle nous donne une preuve supplémentaire et concrète que la littérature aide à appréhender le monde, et tout simplement à vivre.

A la fin de XIXème siècle, John Addington, grand bourgeois vit en famille dans un hôtel particulier de Londres tandis que Edith Ellis, libre penseuse vient d’épouser Henry, intellectuel généreux mais sans le sou. John et Edith, tous les deux homosexuels s’arrangent chacun à leur manière pour vivre leurs désirs tout en ménageant les apparences. Reconstituant le contexte moral et social de l’époque, Tom Crewe écrit un magnifique roman victorien, portraits de couples, d’hommes et de femmes pris entre les exigences de la société et leurs désirs intimes et politiques. Le plaisir de lecture est de suivre ces personnages se débattant entre raison et sentiment.