Portrait d'une Immortelle en femme désirante
A soixante-quinze ans, alors que sa compagne vit les derniers moments d'une longue maladie, Marguerite Yourcenar fait la rencontre d'un jeune Américain. C'est le coup de foudre avec ce coyote-chien fou, qui lui rappelle un tragique amour de jeunesse. L'auteur retrace les étapes de cette relation ambiguë, entre la fascination joyeuse et mélancolique d'un Hadrien pour la jeunesse et la beauté de son Antinoüs, et l'indulgence maternelle d'une Circé, contemplant Ulysse dans sa grotte, avant de financer ses vaisseaux pour l'aventure. Cheminant dans le Grand Œuvre de l'écrivaine, le récit nous confronte au mystère de la création : quand il écrit, que fait l'artiste de son corps, misérable et glorieux ? de ses désirs, emprisonnés dans une chair vieillissante, mais toujours éprise d'absolu ? Une histoire du 20ème siècle à travers le parcours d'une artiste, de l'aristocrate conservatrice à l'icône gay défenseure des droits des animaux. Vivre à tout prix, écrire - "Avidité, avidité chérie ! Seule la mort pourra l'en guérir."
Anne-Marie
Faire entendre "le bruit de l'effondrement"
En 1972, quatre jeunes chercheurs du Massachusetts publient un rapport fracassant, qui va devenir un best-seller mondial. "Les limites à la croissance" fixe la date de l'épuisement des ressources aux années 2020. Entre le campus novel et le polar nordique, le romancier tient le défi de nous entraîner dans le récit fou d'une aventure intellectuelle et la fresque d'une société de l'aveuglement et du consumérisme. Ces quatre chevaliers de l'Apocalypse, librement adaptés de la réalité, incarnent le tragique de toute vérité inacceptable ; confrontés au silence, chacun adopte une stratégie : adaptation, dépression, déni, radicalisation. Entre "profiter un peu" et la folie, quelle est la "réponse la plus appropriée à la réalité" ? Si la science permet de savoir, "un autre langage (est) peut-être nécessaire, et peut-être (est)-ce la poésie". Un miroir ferme mais fraternel, tendu à notre inaction.
Anne-Marie
Les écrans contre la parole ?
David LE BRETON, Najat VALLAUD-BELKACEM, Julie NEVEUX, Martin LEGROS, Karim RISSOULI
Philosophie Mag
La parole avant tout
Il faudrait inventer un mot pour désigner un dialogue à trois personnes. Car la force et la richesse de cet échange, c'est qu'il fait circuler et rebondir la parole, sans figer les positions : le "Oui mais..." et le "Cela dit..." y sont de rigueur. Que l'on soit plutôt technophile ou technophobe, on entre volontiers dans les points de vue développés ici. Cela tient aussi, bien sûr, au choix des personnes, à leur domaine d'études, à leur statut de parent ou non, à leur vision du monde. David Le Breton, sociologue reconnu, s'alarme de "la fin de la conversation" -c'est le titre de son dernier essai. Najat Vallaud Belkacem, femme politique et mère, pose la question d'un rationnement des usages ; la linguiste Julie Neveux, mère également, penche pour une appropriation raisonnée des écrans. Chacun(e) lance une piste, apporte sa pierre. Leur dialogue fécond nous aide à éclaircir cette question cruciale pour nos enfants, pour nous, et peut-être pour l'avenir de nos sociétés.
Frédéric
Beautés fragiles
Comment retrouver un peu de légèreté ? "Vanitas vanitatum et omnia vanitas ! " : les moralistes ont toujours pris un air grincheux pour condamner la vacuité du jeu des apparences et du culte de l'éphémère. Pourtant, le philosophe, qui s'absorbe dans la contemplation d'enfants pris dans ce jeu futile et modeste de souffler sur des bulles de savon, dans la rue ou dans des représentations artistiques, vient esquisser un éloge de cette insouciance perdue. Et si au contraire cette attention au monde, dans sa merveille et sa vulnérabilité, n'était pas notre plus grand manque ? Avancer avec innocence dans un monde sans trace, inaugurer un nouvel art d'habiter le monde avec générosité et sobriété, dans la conscience mélancolique de la joie et de la disparition, l'auteur prétend que cela n'a rien de politique ... Cela n'est pas si sûr ...
Anne-Marie
Courir
De Marathon à Athènes, les ailes aux pieds
De Andrea Marcolongo
Traduit par Béatrice Robert-Boissier
Gallimard
Va courir chez les Grecs !
Après une jeunesse passée dans l'étude et la dolce vita, l'helléniste italienne se découvre une passion pour le running. Elle décide de se préparer à l'épreuve mythique du Marathon. Avec humilité, application et autodérision, elle s'étonne de ses ressources physiques et de ses motivations à exercer un corps jusqu'ici peu sollicité. Textes à l'appui, elle devient la lectrice de son propre corps. Si la course est la manifestation naturelle de l'élan vital et de l'instinct de préservation, elle procure à la passionnée de culture antique une perception nouvelle du temps, de sa propre vitalité et de sa présence au monde, en même temps qu'une confiance en elle et une conscience féministe inédites. Étape par étape, elle nourrit son entraînement - et le nôtre - de lectures et de réflexions sur ce que révèle cet engouement sur la solitude et la vanité de notre société de la performance individuelle. Serions-nous capables de courir comme un Grec pendant 42 kilomètres pour sauver notre démocratie ? Une histoire du sport et de la construction de soi - en collant fluo !
Anne-Marie