Et quelquefois j'ai comme une grande idée

Ken Kesey

Monsieur Toussaint Louverture

  • Conseillé par
    14 janvier 2014

    Vol au dessus d'un chef d'oeuvre

    800 pages, ça vous fait peur ? En 1964, Ken Kesey, un gaillard de vingt-neuf ans qui n’en est pas à son galop d’essai – il a déjà publié « Vol au dessus d’un nid de coucou » –, fumeur de joints et grand aventurier du psychédélisme, part d’une « grande idée » pour donner naissance à un roman immense, dans tous les sens du terme. C’est ce livre que les éditions Monsieur Toussaint Louverture nous proposent de découvrir en français, cinquante ans après sa parution outre-Atlantique. Il a fallu huit ans à Dominique Bordes et son équipe pour permettre la publication de ce roman vertigineux, édité à la perfection et traduit au cordeau par le très très grand Antoine Cazé. Pourquoi les lecteurs français ont-ils dû attendre l’éditeur le plus allumé de sa génération pour profiter d’une telle expérience de littérature ? Peu importe, et même, tant mieux. Car on est prêt à parier que l’immense plaisir de lecture repose aussi sur la beauté de l’objet-livre.

    État de l’Oregon, à quelques kilomètres de la frontière canadienne : forêts opaques, nature capricieuse et ours sauvages. Les femmes cuisinent et les chiens jappent. Depuis sa maison isolée, la dynastie Stamper règne sur la rivière Wakonda, qui traverse le village du même nom. Henri Stamper, le patriarche, a fondé la scierie la plus puissante du coin. À soixante-dix ans, le vieux briscard n’a rien perdu de sa verve, mais c’est désormais son fils Hank qui dirige les affaires, épaulé par son cousin et par sa femme Viv, étincelle rousse et farouche, très périlleux objet de désir. Quand les ouvriers de la scierie se rebellent et que les affaires se corsent, il décide de faire appel à son demi-frère, Lee, de douze ans son cadet, élevé à New York après la séparation de ses parents. Introverti et boulimique de lectures, un peu poète et un peu fou, Lee est tout ce que son frère Hank n’est pas. Cependant, il n’hésite pas une seconde à quitter sa fac pour revenir, plus de dix ans après les avoir quittées, sur les terres suppliciées de son enfance. Lee a une vengeance à prendre. De quoi est-il question ? De ce dont il a toujours été question : de secrets, de jalousie et de femmes volées, de combats de coq, d’amour irrépressible et de luttes à mort. Caïn, Romulus, Freud et les autres, Ken Kesey n’a qu’à puiser dans les ingrédients de l’humanité.

    Lâchez prise, ouvrez les vannes. Dans cette œuvre-monstre, il n’y a pas que l’eau qui déferle. La fiction, comme le fleuve en crue et la pluie torrentielle, irrigue chaque parcelle du roman et entraîne tout sur son passage. Histoire d’amour, équipée sauvage, récit initiatique qui atomise la psychologie pour rejoindre le champ de la mythologie, exacerbé par une nature littéralement biblique, la narration se démultiplie sans cesse. Mais loin de se ramifier, le roman-fleuve enfle à chaque page – chaque page d’une écriture virtuose –  se nourrissant des différentes strates du passé familial et de la dizaine de personnages satellites, habitants du village, membres de la famille, qui accompagnent la tragédie comme un chœur antique. On ne galvaude pas le mot en qualifiant de « chef d’œuvre » le roman de Kesey. Alors, 800 pages, finalement, c’est presque trop peu.

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  • Conseillé par
    31 octobre 2013

    Attention! Pépite!!!

    L'histoire se déroule dans l’Oregon. La ville est paralysée par les syndicats de bûcherons, qui organisent une grève afin de demander le maintien de salaire suite à la diminution de travail, due à l'arrivée de nouvelles technologies.
    Chez les Stamper, on ne veut pas en entendre parler.
    Le patriarche, Henry, gère son bois avec l'aide de Hank, son fils aîné, homme robuste et travailleur. Pour contrer cette grève et continuer à produire, ils demandent à Lee (fils d'Henry et demi-frère de Hank), installé sur la côte Est, de venir leur prêter main forte. Lee ne se fait pas prier, voyant là l'occasion de se venger de Hank, pour qui il voue une grande jalousie depuis toujours.

    Durant 800 pages, Ken Kesey dépeint les relations humaines dans tout ce qu'elles peuvent avoir de mesquin, mais aussi de touchant, au milieu d'une nature tout aussi belle et rude. Cette fresque familiale (et villageoise) est haute en couleurs! On ne s'ennuie pas une seconde, même si la lecture n'est pas toujours aisée : polyphonie, changement soudain de protagonistes, graphies diverses... La psychologie des personnages est très travaillée et plonge le lecteur au fin fond des pensées torturées ou déjantées des uns et des autres.
    Ce livre est magnifique! Un bel objet, une belle réflexion, un bon moment!