EAN13
9782357590403
ISBN
978-2-35759-040-3
Éditeur
Alfabarre
Date de publication
Collection
LES FOURMIS ROU
Nombre de pages
239
Dimensions
21 x 14,5 x 1,8 cm
Poids
333 g
Langue
français
Fiches UNIMARC
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Cessez-le-feu, 19 mars 1962

Cinquante ans, un regard témoin et littéraire

Alfabarre

Les Fourmis Rou

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Prologue

Lilyan Kesteloot

J’étais à Paris le 6 décembre 1961, en partance
pour le Caméroun, en "coopération", lorsque
j’appris la mort de Frantz Fanon. Un poids lourd
sur le coeur, mais aussi, quelque part, l’impression
qu’il fallait rendre le relais. "Laissez-moi trouver
l’homme où qu’il soit" disait-il aux Antilles, en
Algérie, en Afrique subsaharienne, lui l’Antillais.
Qui représentait l’Algérie au Ghana de Nkrumah.
C’était à Bruxelles que j’avais d’abord senti le
vent âpre de cette guerre d’Algérie. Parmes amis du
groupe Esprit qui passaient des valises et abritaient
des militants clandestins le temps d’une nuit ou
d’une semaine.


Puis à Rome où Fanon, pendant huit heure, me
raconta sa guerre dans le maquis, son horreur
et sa grandeur. Et combien il s’était donné tout
entier à cette cause, corps et âme, et quels espoirs
fantastiques il avait misé sur ce peuple.
Arrivée à Douala, j’appris que le maquis de
l’UPC venait de saboter un pylone électrique à
haute tension ... pourtant le Cameroun était déjà
un pays indépendant depuis quelques mois... mais
je compris que la guerre n’était pas finie.
On m’informa alors du soutien que l’UPC
recevait depuis quatre ans du FLN. Aussi, lorsque
le 19mars, les accords d’Evian débouchèrent sur un
cessez-le-feu en Algérie, j’accueillis la nouvelle avec
alégresse. Je la fêtais avec tous les Camerounais.
Cette joie cependant n’était pas sans mélange car
en même temps je me répétais : "à trois mois prés...
à trois mois prés... "

À trois mois près, Fanon aurait été vivant, il
aurait assisté à la fin du cauchemar, il aurait
touché son but, il aurait gagné sa guerre, Algérien
dans la souffrance, il aurait été Algérien dans le
bonheur ! Mais certes, on pouvait dire cela de tous
les Algériens morts dans la lutte ou en représailles,
ou sous la torture.
Il fallait se dire que Fanon c’était voulu l’un
d’eux, c’était battu pour eux et que c’était bien
ainsi. Il fallait se dire qu’à présent, pour l’Algérie
comme pour le Cameroun aprés la guerre de
libération, commençait une autre guerre, celle
de l’indépendance. Et que cette guerre-là, allait
durer plus longtemps, serait pleine de pièges et
de trahisons, allait s’étendre à toute l’Afrique,
verrait d’autres drames et d’autres massacres,
aurait d’autres héros et d’autres martyrs.
Mais en ces jours de mars 1962, on y songeait
point. On ne l’imaginait même pas. Nous nagions
dans la félicité de la victoire...

Lilyan Kesteloot

Universitaire, chercheur et critique littéaraire,
elle mène un combat acharné pour la renaissance
et la vitalité de la littérature africaine depuis
plusieurs décennies, notamment aux côtés de
Césaire, Senghor, Cheikh Anta Diop et Hampathé
Ba. Chercheur à l’IFAN, elle est aussi une éminente
spécialiste de l’épopée et de la littérature orale
africaine. Elle dirige la collection Africa is beautiful
aux éditions Alfabarre, Paris.
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