L'Écossais

Fonsine avait seize ans quand l’Écossais passa. Après quatre semaines, l’Écossais s’en alla, et Fonsine resta.
On fait ici, pendant ce mois chez nous au Monastier, se frotter un peu leurs deux noms. Plus tard, celui de l’Écossais, précédé de deux prénoms, Robert et Louis, fit le tour du monde en grandissant toujours. La petite Fonsine, elle, ne posséda jamais que son prénom diminué, connu seulement de quelques habitants d’un petit canton du monde, pays de noir basalte et de granite blanc, roulé comme un renard dans la boucle de la Loire en son commencement.
C’est donc ici surtout pour elle que l’on parle. Moins pour lui, qui fut bien assez grand pour écrire son nom partout dans le monde, que pour elle, Fonsine, parce que son cœur était souvent gonfle , et qu’elle tournait alors de tous côtés ses yeux et ses mains, pauvres et pleins de tout.
On parle aussi pour les autres : les moins nombreux, qui étaient allés aux écoles, qui savaient lire, avaient souvent des noms du dehors, qu’il fallait mâcher un peu pour pouvoir les dire ; quelquefois pourtant, ceux qui étaient allés aux écoles pensaient aux plus nombreux, ceux que la terre, l’herbe et les bêtes occupaient entièrement et qui portaient le nom de leur père, le prénom de leur grand-père et l’escaïne de leur famille ; en se mariant leurs femmes changeaient de nom et d’escaïne. Avec trois noms aussi vieux que les pierres de l’église, on savait toujours de qui l’on parlait...