Histoire de la Turquie, de l'Altaïà l'Europe, De l'Altaï à l'Europe
EAN13
9782841879267
ISBN
978-2-84187-926-7
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
Histoire
Nombre de pages
484
Dimensions
10 x 10 x 2 cm
Poids
664 g
Langue
français
Code dewey
950
Fiches UNIMARC
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Histoire de la Turquie, de l'Altaïà l'Europe

De l'Altaï à l'Europe

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eISBN 978-2-8098-1218-3

Copyright © L'Archipel, 2007.

Introduction

Venus des monts Altaï, aux confins de la Mongolie et de la Chine, les Turcs, avant de s'établir depuis dix siècles en Anatolie, ont fondé plusieurs empires dans les steppes d'Asie centrale. Cette marche d'est en ouest les a conduits aux portes de l'Europe. À cheval sur deux continents, la Turquie actuelle dévoile sa double appartenance à Constantinople – Istanbul – qui, depuis sa refondation par Constantin le Grand, a toujours joué le rôle de pont entre l'Orient et l'Occident. Même si, aujourd'hui, seule la Thrace orientale appartient géographiquement au continent européen, l'Empire ottoman s'étendait jadis jusqu'à Vienne. Ainsi, depuis six siècles, son histoire est intimement liée à celle de l'Europe.

Les guerres incessantes que l'Empire ottoman mena contre l'Empire byzantin, puis contre celui des Habsbourg, ne furent d'ailleurs qu'un épisode de l'éternelle rivalité entre Orient et Occident. L'antagonisme de deux civilisations, de deux sociétés, commence avec les guerres Médiques, qui opposèrent Perses et Grecs. S'ensuit l'expansion gréco-macédonienne, à laquelle succèdent l'Empire romain puis l'Empire byzantin. Les expansions arabes et seldjoukides, qui reportent de l'Euphrate au Taurus les frontières de l'Occident, puis les Croisades raniment cette première lutte. Ce duel se poursuit avec l'Empire ottoman jusqu'en 1918. Ce n'est qu'après la fin de la guerre d'indépendance, menée par Mustapha Kemal de 1919 à 1923 contre la volonté européenne d'amputer la Turquie d'une partie de l'Anatolie, que la rivalité séculaire opposant la Turquie à l'Europe prend fin.

Jusqu'à l'échec du second siège de Vienne en 1683, annonciateur de son inexorable recul et de nombreuses défaites militaires, l'Empire ottoman, fer de lance de l'islam conquérant, a représenté pour l'Europe et la chrétienté la plus dangereuse des menaces. Et ce n'est qu'au milieu du XVIIIe siècle que les Ottomans commencent à emprunter les techniques et les idées d'une civilisation européenne qu'ils jugent, à l'apogée de leur splendeur, arriérée. À l'origine, il n'est question que de moderniser l'armée pour lutter à armes égales contre les empiètements grandissants des puissances européennes. Mais le glissement du champ des réformes aux autres institutions de l'État, les idées des Lumières, puis celles de la Révolution française ont peu à peu pénétré les esprits des élites éclairées de l'Empire. La révolution des Jeunes-Turcs, qui entreprit d'abattre les institutions vermoulues pour bâtir un État moderne, fut l'étape capitale de cette longue maturation. La transformation du califat – par Mustapha Kemal après la fin de la Première Guerre mondiale – en un État-nation laïc, la transposition de l'alphabet latin à l'alphabet arabe marquent une volonté d'arrimer la Turquie à l'Europe. Cependant, elle ne deviendra une démocratie qu'en 1950.

Les orientations de cette évolution confirment l'aspiration turque à rejoindre la Communauté européenne : en 1954, la Turquie obtient le statut de membre fondateur du Conseil de l'Europe ; en 1963, la Turquie et la Communauté économique européenne concluent un accord d'association dans lequel il est fait référence à une perspective d'adhésion. En 1995, une union douanière est constituée. Toutefois, en 1997, le Conseil européen ne retient pas sa candidature ; décision très mal acceptée en Turquie. Les conditions imposées par la Communauté (critères dits « de Copenhague », 1993) sont en effet exigeantes sur le plan politique. Mais, en 1999, au conseil d'Helsinki, les chefs d'État et de gouvernement de la Communauté reconnaissent son statut de candidat, et la décision d'ouvrir des négociations d'adhésion est enfin prise en octobre 2005.

Ainsi, alors que pendant six siècles l'Empire ottoman a incarné la menace islamique pour la civilisation européenne, il n'est pas impossible que la Turquie moderne fasse un jour partie de l'Union, apportant ainsi un démenti à la théorie du « choc des civilisations » de Samuel Huntington1. Pourtant, la question de l'intégration de la Turquie à l'Europe suscite une franche opposition au sein de l'opinion publique de l'Union, dont une large partie refuse de considérer ce pays comme européen. Les raisons de cette réticence sont multiples. Il ne fait pas de doute que la vision européenne des Turcs, qui s'appuie sur un sentiment de supériorité occidental, a longtemps été négative. Et, malgré une meilleure connaissance de son histoire, malgré les efforts de modernisation et de démocratisation de la Turquie et de sa plus grande ouverture aux autres cultures, elle le reste en partie.

L'Empire ottoman a souvent représenté, aux yeux de la majorité des Européens, la tyrannie et la violence d'un pouvoir qui n'a assis sa domination que sur la force de son armée. Les sultans sont tantôt des êtres sans pitié régnant par la terreur, tantôt des personnages sans caractère vivant dans la débauche au milieu de leur harem. Puis, au XIXe siècle, dans le cadre de la « question d'Orient », cet empire est comparé à un « homme malade » qui, à l'instar de celui des Habsbourg vieillissant, est perçu comme une construction politique anachronique que les puissances européennes vont s'attacher à démembrer sous le couvert du principe des nationalités et de la défense des minorités ethniques et religieuses.

Toujours selon cette vision partiale, l'islam omniprésent – qui a témoigné dans le passé de son intolérance par des exactions à l'encontre des chrétiens, et plus particulièrement des Arméniens, contre lesquels a été commis un génocide – y empêche tout progrès. Face à la résurgence du fondamentalisme musulman, et malgré le fait que la Turquie soit le premier des États musulmans laïcs, les Turcs pâtissent du regain de méfiance, sinon d'hostilité, de l'Occident chrétien envers l'islam. Au-delà de ces stéréotypes, heureusement de moins en moins répandus, il faut admettre objectivement que l'admission de la Turquie dans une Europe qui n'a pas encore digéré son récent élargissement pose de sérieux problèmes politiques, économiques, démographiques et culturels. Sans compter la question des frontières et celle de l'identité européenne, laquelle ne pourrait plus se définir exclusivement en termes d'appartenance à la civilisation gréco-romaine et chrétienne.

Avec sa candidature, la Turquie s'offre une formidable occasion de réfléchir à son identité ambivalente et complexe. Celle-ci, comme l'a remarqué Samuel Huntington, est un « État tiraillé », un « Janus géopolitique et civilisationnel », fasciné à la fois par l'Europe et la modernité occidentale, premier exemple d'État musulman laïc ; mais aussi un pays en proie à un retour du religieux, nostalgique de l'âge d'or islamo-ottoman.

L'objet de ce livre n'est pas de trancher le débat, souvent passionnel, entre partisans et adversaires de cette adhésion, mais plutôt de tenter de l'éclairer en brossant un large tableau de l'histoire de la Turquie, des origines à nos jours. En effet, on ne peut comprendre la Turquie actuelle, et ses relations avec l'Europe, sans remonter à l'Empire ottoman. Même si, sur un plan institutionnel, l'instauration de la république marque une rupture brutale, il n'en est pas de même pour la société et ses mentalités. Puisque l'idéologie kémaliste est le fruit d'une longue quête intellectuelle qui, bien avant la révolution des Jeunes-Turcs, remonte à la période des Tanzimat (réformes, 1839-1876), nous essaierons, au-delà d'une chronique événementielle, de mettre en relief les faits économiques, sociaux et culturels qui font de cette histoire une longue marche vers l'Europe.

1.The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order, 1996; Le Choc des civilisations, Odile Jacob, 2000.

PREMIÈRE PARTIE

L'EMPIRE OTTOMAN

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