Née en 1977 à Saint-Michel-de-l’Attalaye, Beaudelaine Pierre vit désormais aux Etats-Unis. Le roman démarre au milieu des étals du marché de la commune natale de l’autrice, village situé dans le département de l’Artibonite, région agricole importante d’Haïti. C’est là que Dieuquidonne vient au monde avec deux dents. Influencée par ses amies, Manjo, sa mère, y voit un signe divin : son fils ira à l’école et deviendra président. "L’enfant qui voulait devenir président" raconte bien sûr toute l’histoire de Dieuquidonne, dans une langue mêlée de créole, mais c’est aussi un éloge à la vie et au quotidien de tout un peuple et notamment des marchandes, de leurs relations, grâce au personnage de Manjo et de ses commères du marché.

Décembre 1801, général en charge de mater la révolution enclenchée par Toussaint Louverture, Victor-Emmanuel Leclerc est envoyé à Saint Domingue par Napoléon. Quelques mois plus tard, il se meurt de la fièvre jaune. Dans sa dernière heure d’agonie, le général sombre dans la folie, entouré de son épouse Pauline, sœur cadette de Napoléon, et de sa servante Oriana. Trois voix intérieures se dessinent alors s’élevant de la chambre mortuaire pour évoquer les événements des semaines précédentes : la haine de Leclerc envers Toussaint et les enjeux politiques de cette expédition, la quête de libertés et de plaisirs de Pauline et les tiraillements d’Oriana qui se rappelle sa Corse natale. Un roman qui s’inscrit dans le « spiralisme », cher à Fignolé, Frankétienne et René Philoctète.

Disciple de Jacques-Stephen Alexis, opposant à Paul E. Magloire puis François Duvalier, Gérard Etienne sera arrêté, emprisonné et torturé. Exilé en 1964 au Canada, il est mort en 2008. "Le Nègre Crucifié" est le premier réquisitoire littéraire contre le régime fasciste de François Duvalier. Gérard Etienne, à la fois victime et narrateur, raconte le traumatisme engendré par la violence des militaires macoutes. Récit difficile, la souffrance de l’auteur faite de torture et d’humiliation, permet une liaison entre le monde physique et spirituel et se transforme en plaidoirie pour un humanisme. Aux côtés de Gérard Etienne, le lecteur touche à l’indicible et pourtant, même si le mal ne s’effacera jamais, une forme d’apaisement est atteinte.

Frédéric Marcelin est né au milieu du XIXème, à Port-au-Prince dans une famille aisée. Avant lui, la poésie était le genre dominant dans le domaine littéraire haïtien. Mais c’est à travers le roman que Marcelin voulait dire la réalité haïtienne. Il fut critiqué pour cela par ses contemporains qui lui reprochaient de ne présenter que les défauts de la société de l’île. Il y eut trois romans marquants dans l’œuvre de Frédéric Marcelin, "Marilisse" est le troisième d’entre eux. Il a évolué un peu à l’ombre des deux premiers et c’est dommage, car la vie de Marilisse se déroule dans un lakou (un espace commun à plusieurs maisons voisines dans lesquelles résident les membres d'une même famille, regroupés autour de la maison du patriarche). Et ce roman plonge le lecteur dans le quotidien des humbles et des courageux construit sur l’entraide malgré les malheurs. Un classique de la littérature haïtienne.

La Niña Estrellita est une jeune prostituée vivant à Port-au-Prince. Du haut de ses vingt-six ans, vendant son corps aux soldats américains sans y prendre le moindre plaisir, elle n’a encore jamais connu le véritable amour. Mais lorsqu’elle rencontre El Caucho, un grand et beau mécanicien, ses certitudes s’envolent, laissant place à un amour puissant, intense. Tous deux sont originaires de Cuba et au-delà d’un grand roman d’amour à la sensualité et aux émotions folles, c’est aussi un grand roman social, philosophique et politique. Jacques Stephen Alexis nous parle de l’attachement d’Haïti à la Caraïbe mais aussi de son ouverture au monde, et l’on se laisse porter, l’espace d’un cillement, dans ce superbe roman.